De Alexander Calder à Jeff Koons, en passant par Max Ernst, Pablo Picasso, Niki de Saint Phalle, César, Takis, ou encore Louise Bourgeois, nombreux sont les artistes modernes et contemporains à s’être intéressés de près au bijou. Diane Venet, collectionneuse de bijoux d’artistes depuis plus de 30 ans, nous fait partager sa passion pour ces œuvres miniatures qui souvent accompagnent le langage plastique de l’artiste. Sa collection, riche de 230 pièces, associée à des prêts exceptionnels de galeries mais aussi de collectionneurs et de familles d’artistes, illustre, de façon chronologique et thématique, le travail de 150 artistes français et internationaux. Lors de cette promenade muséale, du 7 mars au 8 juillet 2018, les bijoux de Diane Venet entrent en résonance avec des œuvres plastiques plus monumentales permettant de varier les échelles, les rythmes et d’annuler les hiérarchies. L’infiniment petit rejoint l’infiniment grand. L’ensemble de la scénographie a été confiée à l’architecte d’intérieur Antoine Plazanet et aux graphistes ÉricandMarie. Le Musée des Arts Décoratifs se réjouit de montrer ainsi ce qu’il est possible de dévoiler comme la plus belle des collections idéales.
Diane Venet, épouse du sculpteur Bernar Venet, se souvient de l’origine de sa collection devenue une référence : « Ma passion pour le bijou d’art est née le jour où Bernar s’est amusé à enrouler autour de mon annulaire gauche une fine baguette d’argent pour en faire une alliance... Ce geste, attendrissant dans sa spontanéité a eu un autre effet sur moi, celui de me faire découvrir l’univers trop peu connu de ces bijoux d’art uniques, précieux pour leur rareté et leur charge symbolique souvent à l’origine de leur création ».
Quelle est la particularité d’un bijou d’artiste ? Porter un tel bijou n’est pas un acte anodin. C’est s’approprier en quelque sorte un peu du génie de l’artiste qui l’a créé et le magnifier en une vie nouvelle. Objet de curiosité, sujet de conversation, il révèle chez celle ou celui qui le porte un désir de singularité.
Il n’appartient ni à l’univers de la haute joaillerie, ni à celui du bijou fantaisie, ni même à celui des paruriers, apparu à l’instigation d’Elsa Schiaparelli ou de Gabrielle Chanel.
Le bijou d’artiste n’est pas non plus associé aux créateurs indépendants du bijou contemporain qui conçoivent autant qu’ils réalisent, et considèrent l’objet comme un champ d’expression à part entière.
Geste d’affection, souvent conçu pour un proche, il est l’œuvre de plasticiens, de peintres ou de sculpteurs pour lesquels cette pratique est occasionnelle, souvent inhérente à leur mode de création.
Rares sont les artistes qui réalisent eux-mêmes leurs bijoux. Harry Bertoia, John Chamberlain, Louise Nevelson, Claude Viallat, ou Alexander Calder font figure d’exception, ce dernier transformant le moindre fil de cuivre, d’or ou d’argent en parures destinées à ses proches.
Les bijoux d’artistes façonnés dans des matériaux traditionnels : or, argent, bronze, émail ont été réalisés pour la plupart par des orfèvres. L’atelier de François Hugo met en lumière son travail qui consiste à retranscrire en broches et pendentifs les découpages de Jean Arp, les Crétoises de Derain ou encore, la fantaisie de Dorothea Tanning. Sans oublier l’atelier de Giancarlo Montebello à Milan qui a édité les plus célèbres : les frères Pomodoro, Man Ray, Pol Bury, ou la muse des Surréalistes, Meret Oppenheim, puis Niki de Saint Phalle.
Les artistes d’avant-garde ouvrent le parcours avec la représentation du « Portrait ». Picasso, fasciné par le potentiel sculptural des matériaux en deux dimensions, saisit avec une grande économie cette thématique, Derain transpose dans ses têtes en bronze « bijoutées » son admiration pour le Bénin.
Les idées provocatrices des Surréalistes sont évoquées sous le titre « Rêve et fantaisie » avec le masque perforé de Man Ray, les bijoux de Salvador Dalí, l’univers onirique de Jean Cocteau ou de Léonor Fini.
L’exposition se poursuit avec une vision plus transversale et résolument contemporaine du bijou autour des « Métamorphoses de la nature ». Cette veine naturaliste s’exprime avec Lowell Nesbitt qui traite le sujet de la fleur de façon monumentale pour en dépasser la beauté ou Giuseppe Penone avec l’empreinte de sa main sur une feuille d’or.
Le « Memento mori » est évoqué avec Wim Delvoye, qui questionne le religieux dans ses pendentifs de crucifix en forme d’anneau de Moebius. « La Couleur » est illustrée par Grayson Perry qui transpose dans le bijou et la céramique ses avatars féminins. Niki de Saint Phalle, quant à elle, traduit à l’échelle du bijou l’image forte et ludique de ses célèbres Nanas.
Parler du bijou, c’est aussi évoquer le « Corps contraint » avec le collier en laine surdimensionné de l’artiste japonaise Yayoi Kusama, ou la broche d’Orlan qui transcende les codes de la beauté en se référant à la série des Self hybridation.
Les grands mouvements modernes et contemporains sont également représentés. L’Art abstrait est illustré par l’univers poétique de Fausto Melotti et les surfaces monochromes lacérées de Lucio Fontana, déclinées sur ses bracelets. Le Pop Art, de Roy Lichtenstein à Robert Rauchenberg, dépeint avec humour et ironie « L’American way of life ».
Les Nouveaux Réalistes, César et Arman, empruntent sous formes de compressions et d’accumulations les symboles de la consommation.
Pol Bury évoque l’Art Cinétique avec l’insertion d’éléments mobiles dans ses bijoux. Takis formule des propositions originales sur le magnétisme.
L’Art minimaliste et conceptuel est convoqué avec les bagues uniques de Sol LeWitt réalisées pour ses filles. Enfin, l’art intemporel de Pierrette Bloch duplique ses motifs à l’infini.
L’exposition s’achève sur une scène contemporaine anglaise très active, la Young British Artists, à l’instar de Damien Hirst ou les frères Chapman, artistes et grands provocateurs apparus dans les années 1990. Elle est aussi internationale avec les bijoux d’Erwin Wurm ou d’Ai Weiwei. La scène française est représentée par Claude Lévêque ou Jean-Luc Moulène qui ont réalisé, à la demande de Diane Venet, des bijoux inédits.
Non exhaustive, subjective et poétique, dictée par des coups de cœur, cette exposition est à l’image de l’histoire du Musée des Arts Décoratifs et de la passion de Diane Venet pour la création : multiforme, ludique et exigeante.