Originaire de Bombay, l’artiste Jitish Kallat expose pour la première fois en Belgique, à la Galerie Templon. A 43 ans, Jitish Kallat est une des voix indiennes les plus reconnues sur la scène internationale. Son travail, multiforme et poétique, interroge notamment les notions de temps, d’espace, du sommeil et de la perception. Réunissant un ensemble complet d’œuvres de différents media - dessins, collages, photographies et sculpture – Covariance joue des échelles, des distances et des allusions célestes ou cosmiques. Elle ouvre de nouvelles perspectives pour les recherches plastiques de l’artiste.
Fil rouge de l’exposition, la nouvelle série de dessins Wind Study - Hilbert Curve représente, pour l’artiste, une « transcription indiscrète de la conversation silencieuse entre le vent et le feu ». Elle tire son inspiration formelle des courbes de Hilbert, courbes fractales continues remplissant un carré, décrites pour la première fois en 1891 par le mathématicien allemand. Pour réaliser ces dessins, Jitish Kallat a inventé un rituel consistant à recouvrir l’un après l’autre de liquide inflammable tous les segments décrits par le mathématicien avant de les embraser. Le mouvement du vent au moment de la combustion détermine la direction dans laquelle ces émanations vont laisser des traces, enregistrant ainsi les courants atmosphériques invisibles.
Installées au centre de l’espace d’exposition, deux sculptures intitulées Covariance (Sacred Geometry) évoquent à la fois la météorite, le fossile ou la fourmilière. À leur surface s’ouvrent des yeux d’animaux : mammifères, oiseaux, reptiles. Chaque espèce semble porter sur le monde un regard singulier. Imprégnées d’une forte dimension symbolique et cosmologique, ces sculptures projettent leur regard pluriel dans des directions, invitant le spectateur à la curiosité et la vigilance.
Dans le triptyque photographique Sightings Gen-Pap-D23M6Y2016, la surface d’une papaye se transforme en une explosion de supernova, créant une tension entre le cosmique et le microscopique. L’intérêt de Jitish Kallat pour l’architecture astronomique l’a d’ailleurs mené à Chanquillo, un ancien observatoire solaire péruvien. Ses treize tours formant un horizon denté ont inspiré la forme de la sculpture Aequus, sorte de “dortoir cosmique”, dans lequel des espèces animales succombent au sommeil.
Jitish Kallat poursuit sa réflexion sur le dissemblable et les points de vue inversés avec Antidote, une sculpture cocasse et contemplative d’une chauve-souris au repos la tête à l’envers.
Le parcours de l’exposition s’achève avec la salle consacrée à des dessins hybrides, les Tetralemma (threefold postulates), pliés comme si un cadavre exquis était en cours. S’y rencontrent des ébauches, des études, des ruminations personnelles de l’artiste, comme si ce dernier offrait à voir au spectateur ‘la multiplication des dilemmes’ auquel il fait face.