Pour son retour dans l’espace bruxellois après six ans d’absence, l’artiste Jim Dine, figure incontournable de la création contemporaine américaine, présente un parcours rétrospectif de son travail de gravure, dont il est devenu au fil des années un des maîtres incontestés.
Né en 1935, Jim Dine est d’abord un des pionniers des happenings dans le New York des années 50, avant de devenir une des figures du pop art dans les années 60. Poète, profondément indépendant et touche à tout, Jim Dine trace rapidement sa propre voie. Entre sculpture, peinture, gravure ou photographie, il développe un langage original entre abstraction et figuration, hanté par une iconographie unique faite de silhouettes antiques, d’outils, de cœurs ou de Pinocchio.
A 17 ans, alors qu’il vit chez ses grands-parents dans l’Ohio, il découvre le livre « Modern Prints and Drawings » de Paul Sachs, ancien directeur du Fogg Art Museum de Harvard. « Ce livre a changé ma vie » déclare-t-il. Les gravures sur bois le fascinent et il tente de graver ses propres planches dans l’atelier de menuiserie au sous-sol de la maison. Au fil des années, la pratique de la gravure tiendra une place fondamentale dans son œuvre. Boulimique, curieux de toutes les techniques, il travaille dans le monde entier et cherche à apprendre des plus grands, comme Aldo Crommelynck à Paris. Xylographie, collagraphie, taille-douce, lithographie, carborundum, photogravure, aquatinte, impression numérique, il expérimente avec des procédés aussi variés que complexes. Pour Jim Dine, le processus de création est en lui-même une expérience exaltante, aussi cruciale que l’œuvre achevée. Le travail de collaboration et le nécessaire lâcher prise de l’artiste face à la technicité de la gravure sont essentiels. Comme il l’explique dans « A Printmaker document » (Steidl 2013) : « Une des raisons pour lesquelles j’adore la gravure, c’est que la peinture est un travail solitaire. Quand je me retrouve chez un imprimeur, j’ai la camaraderie d’autres personnes, et c’est un soulagement. On m’ôte le poids de toute la responsabilité, de la responsabilité d’imprimer qui est prise en main par des experts, cela me laisse le temps de réfléchir à l’image et je n’ai plus à me préoccuper autant de l’artisanat. J’ai le privilège de n’avoir à penser qu’à l’aspect inventif de mon travail. »
La question du multiple est d’ailleurs secondaire chez lui, et de nombreux tirages sont retouchés à la main. « Ça m’est égal de faire des éditions. Si chaque tirage était unique, j’en serais aussi heureux. Ce qui est excitant pour moi c’est l’invention, ajouter, enlever, passer d’un état à un autre. Colorer à la main un tirage en bois en noir et blanc, puis le remettre sur la presse pour imprimer en couleur, puis prendre un chiffon trempé dans la térébenthine et la frotter par-dessus puis rajouter de la lithographie au-dessus. C’est plus que ça, c’est la liberté de transformer quand je veux, et de voir l’image s’enrichir. »
La vingtaine d’œuvres créées entre 1981 et 2015, et rassemblée ici témoigne de cette jubilation de la découverte et du plaisir de la déclinaison sur quelques thèmes choisis. Le cœur, symbole de la palette et du féminin, côtoie les fantomatiques robes de chambre, forme d’autoportraits masqués, auxquels répondent des Vénus de Milo, figures éternelles de la culture occidentale et de mondes révolus.
Bientôt âgé de 85 ans, Jim Dine vit et travaille entre Montrouge, en banlieue parisienne, Göttingen (Allemagne) et Walla Walla sur la côte ouest américaine. Depuis sa première exposition en 1960, son œuvre a été présentée dans près de 300 expositions personnelles. Jim Dine est représenté dans plus de 70 collections publiques à travers le monde, dont celle du Metropolitan Museum of Art de New York, du Musée national d’art moderne - Centre Pompidou à Paris ou de la Tate Collection à Londres.
En 2018, le Mnam - Centre Pompidou a organisé une importante exposition à partir de la donation exceptionnelle au musée par l’artiste américain, d’une vingtaine de ses œuvres. Cette exposition a voyagé au Centre Pompidou Malaga puis au Multimedia Museum de Moscou. A Rome, son œuvre fait actuellement l’objet d’une importante rétrospective au Palazzo delle Esposizioni (ouverte jusqu’au 2 juin 2020). Au printemps 2020, un groupe de ses gravures sera présenté dans le cadre de l’inauguration de la Fondation Helenis-GGL à Montpellier et de son importante commande « Faire danser le plafond », un plafond réalisé spécialement pour cet hôtel particulier du 17ème siècle avec la collaboration de la Manufacture de Sèvres.