Figure majeure de la scène artistique européenne d’après-guerre, Takis explore les forces invisibles et l’omniprésence de l’énergie en toute chose. Installé à Paris à partir de 1954, il fréquente ses contemporains Klein, Spoerri, Tinguely… et suscite une certaine fascination chez les écrivains de la Beat Generation.
L’énergie des champs magnétiques est l’un des fondements de l’œuvre de Takis dès ses premières recherches artistiques. A partir de la fin des années 1950, Takis invente les sculptures télé-magnétiques, où des objets métalliques issus du quotidien défient la gravité à l’aide d’aimants et flottent dans l’espace. « Savant intuitif », Takis a recours aux lois physiques et à la technologie pour parvenir à échapper à la pesanteur et à « introduire dans la sculpture une force nouvelle continue et vivante ».
Si Takis est considéré aujourd’hui comme l’un des rares innovateurs de la sculpture après Calder, Brancusi et Giacometti, la libération des forces de la nature prévaut sur la forme esthétique dans son œuvre. Composées de pièces d’origine industrielle ou mécanique, les œuvres de Takis sont issues du croisement entre l’art, la technologie et la science.
Dans cette exposition personnelle, la Galerie Xippas présentera des œuvres emblématiques du travail de Takis, tels que les Murs magnétiques ainsi qu’un Musical, œuvres qui traversent toute sa carrière jusqu’à aujourd’hui.
Impressionné par les phénomènes naturels et le développement industriel de l’époque, Takis se sert de l’électromagnétisme et crée, à partir de 1965, les Musicaux pour produire, selon lui, la musique des sphères. « Instrument » inventé par Takis, le Musical (1972) est constitué d’un panneau de bois au dos duquel est fixé un aimant électromagnétique qui attire et repousse une aiguille suspendue. L’aiguille frappe une corde tendue sur le panneau et produit un son fort et distinct au rythme aléatoire des ondes magnétiques, créant une musique mystérieuse. Le goût de Takis pour le hasard dans la composition sonore le relie à John Cage, avec qui il échange des idées dans les années 1960 et dont il partage l’intérêt pour la philosophie zen et la mythologie. Le cosmos n’est pas silencieux et Takis cherche à rendre audible les forces naturelles.
Les Murs magnétiques prolongent cette quête en la transposant dans le champ de la peinture où des formes métalliques soumises à des aimants fixés au revers de la toile, sont attirées à la surface de la peinture. Ces éléments sont reliés à la toile par la seule force de l’aimant et n’étant pas figés, peuvent être déplacés facilement. L’œuvre devient alors une installation évolutive questionnant le caractère aléatoire de la forme.
Présentées ici en noir et blanc, ces toiles monochromes, comme le Yin et le Yang, évoquent le principe complémentaire des aimants. La force d’attraction entre les aimants agit de la même manière que l’attraction entre les hommes, ou qu’entre les corps célestes. Pour Takis, il s’agit non seulement de l’énergie dans le sens physique, mais également d’un souffle qui traverse tout être vivant.
Au-delà des phénomènes terrestres, le travail de Takis ouvre une dimension universelle et donc atemporelle. Ce n’est pas le temps, mais l’énergie, cette force mystérieuse qui régit le monde et que les humains ont de tout temps cherché à comprendre, qui représente cette autre dimension, la quatrième dimension de l’univers. Agissant dans les champs magnétiques, la sculpture est avant tout un moyen de réveiller chez le spectateur les sensations de l’espace. « Je suis les indications de la matière », dit Takis de son travail. Ne cherchant pas à dominer la matière, mais au contraire à libérer les forces invisibles, présentes dans le monde, Takis suit l’idée de Platon selon laquelle « l’artiste est celui qui prend en compte l’invisible et le rend visible ».
Panagiotis Vassilakis dit Takis est né en 1925 à Athènes. Dès 1946, il découvre les œuvres de Picasso et Giacometti et réalise des bustes en plâtre inspirés de l’art cycladique. En 1954, il s’installe à Paris où il intègre l’atelier de Brancusi pour quelques mois. A partir de cette période, il partage son temps entre Paris et Athènes et commence à exposer à Paris, à Londres et à New York.
A partir de 1955, Takis choisit le fer comme matériau de prédilection et réalise des sculptures en fer forgé, des silhouettes allongées à l’image des Kouroï. A cette même période, Takis conçoit les premiers Signaux, qui vont donner naissance à toute une famille d’œuvres, inspirées du paysage technologique de l’époque et qui célèbrent l’énergie du cosmos. De quelques centimètres à deux-trois mètres de hauteur, composés de tiges métalliques avec des pièces en acier soudées à leur extrémité, les Signaux cherchent comme des radars, à capter l’énergie du ciel. C’est à partir de 1959 que Takis expérimente les champs magnétiques et crée sa première Télésculpture.
En novembre 1960, quelques mois avant le premier vol spatial de Youri Gagarine, lors d’une performance intitulée « Impossible, un homme dans l’espace » à la galerie Iris Clert à Paris, Takis lance son ami, le poète Sinclair Beiles, dans l’espace grâce aux champs magnétiques. Ce dernier, retenu dans le vide par un aimant attaché à la ceinture, défie la pesanteur et déclame : « I am a sculpture ».
En 1961, Takis voyage aux Etats-Unis où il rencontre Marcel Duchamp qui le baptisa « gai laboureur des champs magnétiques ». La même année, Takis publie une autobiographie Estafilades, aux éditions Julliard.
En 1964-1965 Takis explore la peinture et introduit la couleur dans son œuvre avec les premières Télépeintures et les Murs magnétiques. Ces deux années sont également marquées par un séjour à Londres au cours duquel il rencontre John Lennon, Yoko Ono, Paul MacCartney… Toujours en 1965, Takis crée un Musical, sa première pièce sonore qui atteste de son intérêt pour la composition.
En 1968-1969, Takis reçoit une bourse pour une résidence au Massachusetts Institute of Technology (MIT) aux Etats-Unis où il travaille avec des scientifiques de renom. Des Sculptures Hydromagnétiques, ainsi que plusieurs expositions dont une au MOMA à New York, résultent de cette période. Développant son œuvre au croisement de l’art, la technologie et la science, Takis détient également de nombreux brevets pour ses inventions.
Dans les années 1970, Takis crée la musique et le décor pour différents spectacles et en 1979 il collabore avec Nam June Paik pour une performance au Kunstverein de Cologne, ainsi qu’avec Charlemagne Palestine au musée Rath de Genève.
Takis reçoit en 1988 le Grand Prix National de Sculpture à Paris. Il est l’un des rares artistes étrangers à avoir exposé dans les plus grands musées français. Le Centre National d’Art Contemporain à Paris (1972), le Musée d’Art Moderne de la ville de Paris (1980), la Fondation des Treilles dans le Var (1982), la Galerie Nationale du Jeu de Paume à Paris (1993) lui consacrent des expositions rétrospectives.
Le Centre Georges Pompidou à Paris exposa à plusieurs reprises le travail de Takis : en 1981, il présente une œuvre spectaculaire 3 Totems – espace musical lors d’une grande exposition personnelle ; en 1984, il participe à l’exposition Le Siècle de Kafka et en 1985, un Long Mur Magnétique fait l’objet d’une exposition personnelle.
Plus récemment, en 2007 la Fondation Maeght à Saint-Paul de Vence lui a consacré une grande exposition personnelle. En 2011, quatre Signaux éoliens ont été exposés dans les jardins du Palais Royal à Paris. En 2015, c’est au tour du Palais de Tokyo à Paris de lui consacrer une grande rétrospective intitulée Champs magnétiques. La même année son travail est présenté à la Menil Collection à Houston aux Etats-Unis.
La Tate Modern à Londres lui consacrera une exposition personnelle qui sera inaugurée au cours de l’été 2019.
Les œuvres de Takis font partie de nombreuses collections privées et publiques dans le monde entier. Ses sculptures ont régulièrement fait l’objet de commandes et sont visibles dans de divers espaces publics à Paris comme à l’étranger. Un monumental bassin des Signaux lumineux est visible sur l’esplanade de La Défense à côté de Paris ; les Signaux éoliens sont implantés devant le siège de l’Unesco à Paris, un Signal éolien est installé devant la Pinacothèque Nationale d’Athènes ainsi que trois Signaux éoliens de 7 mètres de haut se dressent face au Musée Benaki d’art contemporain à Athènes ; ses Signaux « Solar Energy » sont également visibles devant le siège de la Commission européenne à Bruxelles.