Xippas Paris a le plaisir de présenter la troisième exposition personnelle de James Siena. Intitulée Cascade Effect, l’exposition comprend sept grandes toiles et sept dessins.
James Siena, artiste incontournable de la scène new-yorkaise, est reconnu pour ses formes abstraites et élaborées, qui combinent contraintes volontaires – des unités de base qu’il répète – et événements imprévus.
Pour son exposition Cascade Effect, nous avons demandé à Brett Littman (ancien directeur de The Drawing Centre à New York et actuellement directeur de la Fondation et musée-jardin Isamu Noguchi à Long Island City) d’étudier les deux ensembles d’œuvres présentés dans l’exposition. Brett Littman : Vous avez choisi d’intituler votre exposition chez Xippas Paris “Cascade Effect”. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
James Siena : Dans tout mon travail il y a causalité et émergence – c’est-à-dire que chaque mouvement fait (je l’ai dit officiellement il y a plus de vingt ans “je ne fais pas des traces, je fais des gestes”) affecte chaque mouvement subséquent, de fait que dans les résonances et les intervalles entre ces événements, des imprévus et des effets émergent. Dans ces nouvelles œuvres, il existe des intervalles de largeur variable qui, lorsqu’ils sont entrelacés et structurés de différentes manières (mais cohérentes dans le système), donnent lieu à ce qui semble être des cascades de formes. Les œuvres sont en premier lieu construites du périmètre extérieur vers l’intérieur – ainsi, les cascades résonnantes se déforment et se transforment au fur et à mesure qu’elles sont suivies par le spectateur selon différents axes vectoriels.
BL : Pour le démontrer, vous élaborez deux nouveaux corpus d’œuvres – 7 œuvres sur papier et 7 peintures sur toile. Y a-t-il une différence entre la manière dont vous abordez les différents supports et les différentes pratiques ?
JS : Il y a un fil conducteur commun à ces deux modes : celui de générer une image par le biais d’un dessin aux règles gestuelles
limitées qui répète la structure méthodique, ciblée et laborieuse du dessin gestuel d’origine. Les dessins plus petits font ironiquement référence aux œuvres de plus grand format, de manière perverse.
BL : Toutes les nouvelles œuvres me paraissent plus grandes que ce que j’ai vu auparavant. Y a-t-il une raison à ce changement d’échelle ?
JS : J’ai décidé de faire des grands tableaux, en partie parce que j’ai vu un ensemble de mes grands dessins (150 x 100 cm) exposé dans le hall d’entrée du MoMA en 2016. Ces dix œuvres encadrées, m’ont vraiment étonné. Elles éclipsaient les visiteurs, tandis qu’ils entraient et sortaient de l’espace, et il m’est venu à l’esprit que je n’avais pas eu recours au grand format depuis des décennies. C’était comme si on avait appuyé sur un interrupteur, et que je n’avais pas regardé en arrière depuis.
BL : Les œuvres au graphite, fusain et crayon Conté sur papier me font penser à de la dentelle ou du tissu déchiré. Il y a une atmosphère plus fragmentée que dans certains de vos motifs et systèmes précédents. C’était un objectif conscient ?
JS : Ce n’était pas une décision consciente, mais les fragments que vous décrivez sont exactement ça. Ce sont des formes générées par le dessin initial, tantôt au crayon, tantôt au fusain, qui se manifestent aussi dans les tableaux, mais qui sont plus difficiles à voir en reproduction. Dans la plupart des dessins récents, à compter de 2019, il existe deux circuits de dessin, liés et dépendants l’un de l’autre, générant des vides qui sont ensuite comblés de différentes manières. Donc, la fragmentation est un aspect de l’image. L’autre aspect tout aussi essentiel est la résonance entre les circuits et leurs espacements.
BL : Vous avez été fermement attaché à l’abstraction, et en particulier à l’abstraction linéaire, depuis bientôt trente ans. Votre travail évolue et change sans cesse, ce que je trouve fascinant, c’est comme si vous aviez trouvé un algorithme aux permutations infinies. Qu’est-ce que vous avez appris sur la
construction de l’image et sur vous-même à travers ce système apparemment illimité ?
JS : Dans ces œuvres, il y a une liberté de règles et de limites, et aussi, paradoxalement, un respect rigoureux des méthodes de travail qui font maintenant partie intégrante de ma pratique. Dans les travaux précédents, de plus petit format sur l’aluminium, j’avais mis mes contraintes en œuvre de façon beaucoup plus consciente, traitant des modes de division et de confinement du support de manières diverses et divergentes. Dans ces nouvelles œuvres, je reviens encore et encore à ce dessin en circuits avec des espacements en résonance, travaillant de manière structurelle de l’extérieur vers l’intérieur, et bien qu’il y ait beaucoup de compression au bord, l’échelle permet un espace plus ouvert sur le périmètre de l’œuvre. C’était quelque chose dont je n’étais pas conscient jusqu’à ce que je commence à faire de grands tableaux, et je suis très impressionné par la sensation d’être entouré, de près, par l’image, et de voir aussi la présence affirmée de l’œuvre à distance et sous un angle.
Né en 1957 à Oceanside (Californie, Etats-Unis), James Siena vit et travaille à New York.
James Siena est un artiste incontournable de la scène artistique new-yorkaise. Qu’elles soient lithographies, gravures, dessins ou peintures, les œuvres de James Siena donnent à voir des abstractions géométriques complexes établies à partir d’une série de règles qu’il s’impose à lui- même, unités de base qu’il répète de façon obsessionnelle et infinie et qu’il qualifie « d’algorithmes visuels ». La rigueur mathématique du processus adopté n’exclut pourtant en rien la présence de la main et la fragilité d’un geste sans cesse réitéré.
Collections publiques (sélection) : Museum of Fine Arts (Boston), Musée d’art moderne (San Francisco), Metropolitan Museum of Art (New York), MoMA (New York), Miami Art Museum (Florida), Whitney Museum of American Art (New York). Il est représenté par Pace Gallery.