La galerie Polka est heureuse de présenter, pour la première fois en France, l’exposition monographique « Horizons », consacrée à l’artiste anglo-américain Sze Tsung Nicolas Leong. Tirées par l’artiste lui-même, les épreuves couleurs de cet accrochage sont reliées entre-elles par le même « horizon ». Une ligne circulaire, continue et homogène qui se dévoile autour du spectateur à hauteur du regard.
Depuis plus de quinze ans, Sze Tsung Nicolas Leong travaille sur le paysage. Les endroits qu’il a visités et photographiés tout autour de la planète se comptent par centaines. Métropoles monstres dans le brouillard ou frappées d’un soleil minéral, marines gorgées de nuages, paysages glacés, parcs touristiques, déserts, fleuves, champs de tours, territoires arides. C’est un (très) grand tour du monde qu’il dévoile pudiquement, avec quelques indices, mais sans carte géographique : les lieux n’ont pas d’importance. Paris, Tolède, le Caire, Chicago. Le Gange et la Garonne. Une réserve au Kenya, une plaine de sel en Bolivie, un lac gelé d’Islande, une banlieue de Pékin.
Saisis à la chambre, ces espaces répondent tous au même principe de composition. L’homme est absent – ou alors on l’aperçoit à peine – et la limite de ce qu’il peut apercevoir devant lui, la limite de son expérience, là où la surface de la Terre rencontre le ciel, est toujours située au niveau du tiers inférieur de l’image. Guidée par les mêmes lois d’échelle, de perspective, de plan de fuite, de couleur et d’horizontalité.
Les panoramas sont présentés les uns à côté des autres de telle sorte que l’horizon de chaque image se confond pour ne former plus qu’une vue parfaitement synoptique et simultanée, un système de représentation, bouleversant les règles du cadre et de la délimitation cognitive. Une balade guidée par un fil, d’horizons en horizons : celui de la divine proportion.
La balade de Sze Tsung Leong est aussi, au-delà de la limite optique incarnée par l’horizon, un examen magique, une expérience métaphysique. Photographier l’horizon, c’est le faire reculer. C’est fixer le temps instantané pour dépasser l’aveuglement. C’est scruter la ligne de frontière entre la nature et le surnaturel, entre le visible et l’invisible, entre l’ici et l’au-delà, le profane et le sacré. Sans paysage, point d’horizon. Sans horizon, plus de représentation. Cette ligne lointaine, romantique et merveilleuse examinée par l’artiste situe autant qu’elle assigne le spectateur dans l’espace, face à sa finitude, à sa solitude, ses vertiges, son destin.
De « la Piéta d’Avignon » par Quarton aux « Agrigentes » de Nicolas de Stael, en passant par « le Moine au bord de la mer » de Caspar David Friedrich, Sze Tsung Leong revisite ici, en photographie, tout un imaginaire pictural autour du fantasme eschatologique de l’horizon. Un horizon baudelairien : là-bas, il paraît que tout n’est qu’ordre et beauté.