«Réalité», c’est l’intervention de trois artistes dont les propositions nous parlent d’amplification de phénomènes qui méritent notre attention. Qu’il s’agisse de dévoiler un phénomène physique, d’observer la ville ou d’amplifier un fait de société, c’est avant tout la confrontation du réel qui importe. Des prétextes pour accentuer et développer une concentration portée sur le quotidien.
Par sa Cariatide, Fabien Léaustic (né en 1985) souhaite révéler la beauté physique de la terre crue, dans tout ce qu’elle est à ses yeux d’extraordinaire et de sublime : une force pigmentaire brute, un matériau malléable, une sensualité délicate. Cette terre que l’artiste recycle et réutilise au gré de ses projets prolonge son engagement et son admiration envers cette substance originelle de la création, qui s’écoule délicieusement le long de la colonne. Le mécanisme, tournant en circuit fermé, propose un mouvement qui semble infini, non sans une certaine interpellation quant au caractère inépuisable des ressources naturelles.
Dans sa Théinographie, des projections cartographiques sont tracées sur un papier dont la texture décolorée est obtenue par infusion dans de grands bains de thé. Des formes que l’artiste dévoile puis interprète pour créer de nouveaux territoires.
De manière empirique, Pablo Tomek (né en 1988) observe et analyse les travailleurs de nos villes tout en y confrontant sa propre intimité et pratique artistique de rue. Qu’il soit maçon, artisan ou ouvrier, l’artiste scrute et collecte minutieusement les faits et gestes de ces compagnons urbains, si proches mais pourtant durs à surprendre. Pablo Tomek, lui, décortique ces gestes professionnels, spontanés et innocents. Avec Condamnation bleue la construction d’un mur devient un prétexte concret à sublimer la banalité, à magnifier la plasticité d’un mortier sur des blocs de parpaings.
Ses toiles réalisées à l’éponge reprennent des formes avérées laissées par des ouvriers lorsque des façades vitrées sont obstruées au fameux blanc de Meudon.
C’est une photographie anonyme prise à la fin des années 60 au Japon, lors de protestations contre la construction de l’aéroport Narita près de Tokyo, qui a inspiré l’installation Le drapeau de nos pères de Nelson Pernisco (né en 1993). Suite aux expropriations de populations locales, de violents affrontements avec les autorités ont amenés des civils, désespérés, à s’approprier des drapeaux de la nation pour harponner la police. Dans une mise en perspective, l’artiste éprouve ici la contestation, son geste, lui, est rempli de désillusion. La hampe devient arme, l’étoffe de la nation saigne. Dans Esperanto, des cocktails Molotov sont lancés par l’artiste sur des affiches de manifestation vierges, laissant les stigmates d’une contestation fictive. Ou d’une action à venir - espérons qu’elle ne soit pas trop proche.