L’artiste est un acteur et une figure essentielle de la Fondation Maeght. Il est, à la fois, une personne et un personnage. En 2015, la programmation s’est intéressée à la représentation, aux analyses, aux fictions dont l’artiste est l’objet à travers les oeuvres elles-mêmes. Ce furent, au printemps, celles de Jörg Immendorff où l’artiste se confronte à la politique, l’Histoire, l’épopée puis jusqu’au 29 novembre, ce sont celles de Gérard Garouste. Le peintre y avance entre raison et déraison. Du 12 décembre 2015 au 13 mars 2016, la dernière exposition de ce cycle aura comme sujet non plus la biographie, réelle ou fantasmée, d’un artistemais le sculpteur, sa pratique et son personnage.
La Fondation Maeght présente donc, en cette fin d’année, un dialogue entre trois grands sculpteurs contemporains : l’anglais Richard Deacon, le chinois Sui Jianguo et le hollandais Henk Visch. Ils posent, avec humour, la question « qu’est-ce qu’être un sculpteur aujourd’hui ? » − non pas « qu’est-ce que la sculpture ? » mais plus simplement, « qu’est-ce qu’être sculpteur ? » pour tous trois, dans cette « embarcation » et ce jeu de la sculpture. Richard Deacon, Sui Jianguo et Henk Visch collaborent et réfléchissent ensemble depuis plusieurs années sur ces questions. Leurs travaux respectifs développent, à la fois, un rapport intime entre l’oeuvre et l’individu et un rapport social pour ce qui concerne leurs sculptures dans l’espace public. À travers leurs regards croisés, ces « 3 hommes embarqués dans le même bateau » affirment la « jeunesse » et la vivacité de la sculpture, en 2015.
Dans cette exposition conçue par les artistes eux-mêmes, Richard Deacon, Sui Jianguo et Henk Visch proposent, à travers leurs pratiques quotidiennes des espaces, des formes et des sensations, une réflexion sur le caractère irremplaçable de la sculpture dans la création d’aujourd’hui. Alors que le genre « sculpture » a « éclaté » au 20e siècle au gré des environnements, des installations, des théâtres-performances ou encore des espaces virtuels numériques, ces trois artistes réaffirment à leur manière l’importance de l’expérience de la sculpture pour l’individu comme pour la société.
Auto-désignés « 3 hommes dans un bateau », Richard Deacon, Sui Jianguo et Henk Visch ne décriront pas dans cette exposition la Tamise, comme dans le roman éponyme de Jérome K Jérome. À travers leurs oeuvres, ils nous feront vivre les moments, les rebonds, les constructions, les espaces qui, pour paraphraser Gasiorowski, composent ce voyage sur « le fleuve-sculpture ». La Fondation Maeght sera habitée, pendant trois mois, par leurs gestes, leurs matériaux ou leurs personnages, leurs compositions ou leurs structures. Ils transformeront, feront vivre et « danser » ces espaces.
Les formes proposées par les trois artistes entretiendront des « conversations secrètes » avec certaines des sculptures majeures de la Fondation Maeght. C’est le cas des grandes constructions abstraites en métal de Richard Deacon avec les stabiles d’Alexander Calder, de la méthode de touches et de modelés de Sui Jianguo avec la pratique d’Alberto Giacometti et enfin, des formes ludiques, colorées, des personnages de Henk Visch avec les Personnages de Joan Miró. Deux salles et la Cour Giacometti seront consacrées au dialogue entre les oeuvres de Sui Jianguo, Henk Visch et Richard Deacon. Chacun disposera par ailleurs de deux salles personnelles dédiées à leurs seuls travaux. « Dans cette exposition, l’ambition de la Fondation Maeght est d’exposer cette vie muette des formes en même temps que leurs intenses relations mobilisant le corps, la vue et la pensée » explique Olivier Kaeppelin, directeur de la Fondation Maeght, qui a proposé, avec Christian Scheffel, directeur de la Fondation Blickachsen, ce projet aux artistes.