La Galerie Nathalie Obadia est heureuse de consacrer une exposition d’Eugène Leroy dont l’oeuvre singulière n’avait pas été montrée à Paris depuis sa rétrospective du Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 1988. Il s’agit de la deuxième exposition que la galerie consacre à ce grand peintre du Nord, né à Tourcoing en 1910 et mort en 2000, après celle présentée à la Galerie de Bruxelles en 2013.

Fusionnant les héritages les plus divers, de Rembrandt à Malevitch en passant par Jean Fautrier, Eugène Leroy explore les possibilités multiples de la matière, déployant une science des empâtements qui confère un relief incomparable à ses peintures. Cette opacité paradoxale, faite de lumières et de couleurs, donne au regardeur l’impression de « pénétrer dans une caverne » comme le dira l’un de ses plus grands admirateurs, le peintre allemand Georg Baselitz : « Je trouvais là des images brunes comme champs, comme pierre, comme bois, comme mousse, comme senteur » raconte-t-il, témoignant de sa première rencontre avec l’oeuvre d’Eugène Leroy, « comme si tous les pantalons du peintre étaient suspendus à un crochet et racontaient l’histoire d’un chef d’oeuvre inconnu ».

L’exposition Peintures-Fusains présentée à la Galerie Nathalie Obadia permet de découvrir une vingtaine d’oeuvres, des fusains sur papier et une dizaine de peintures à l’huile, de moyens et de grands formats, fruits de la production de la dernière décennie de sa vie, de 1989 à 2000 – capitale puisque l’artiste voit son oeuvre accéder à une reconnaissance internationale. Celle-ci s’illustre notamment par les participations consécutives d’Eugène Leroy à la Biennale de Sao Paulo (1990) et à la Documenta de Kassel (1992) tandis que l’artiste poursuit sa trajectoire personnelle, résolument en marge des tendances dominantes de l’époque. S’en suivront deux rétrospectives majeures au Musée d’art moderne de Nice en 1993 et au Kunstverein de Düsseldorf en juillet 2000, trois mois après le décès de l’artiste dans sa maison-atelier de Wasquehal. L’exposition est également l’occasion de mettre en lumière cinq huiles sur toile d’importance majeure datées entre 1988 et 1991.

« Pour un corps de femme », « Seuls », « Homme en croix », « Lumières sur Marina », « La marée », « Noël 88 », « Lumières d’hiver »… Evocateurs, les titres des oeuvres d’Eugène Leroy présentées à la Galerie Nathalie Obadia traduisent son attention constante portée à la lumière et la représentation humaine ; sa façon de se heurter à ses sujets qu’il semble apprivoiser par la peinture pour en nier ensuite les contours ; sa tentative pour en capter l’essence tout en en préservant le mystère, enfouit sous l’accumulation des couches, ajoutées années après années, façonnant un visage, un corps, un paysage. Les dessins obéissent à la même préoccupation, comme le remarque justement le critique d’art Denys Zacharopoulos : « mais c’est de l’ombre, faite de multiple traits de fusain entrecroisés ou estompés, qu’émergent les corps et les visages comme des apparitions1 ».

A travers cette exposition proposant au regardeur une sorte d’épiphanie visuelle et une véritable « fête des sens2», la Galerie Nathalie Obadia est fière de rendre hommage à l’un des plus grands peintres français de la seconde moitié du XXème siècle.

Remarques

1 Eugène Leroy, Domaine de Kerguéhennec, Centre d’Art Contemporain / La Criée, Centre d’art Contemporain / Musée des Beaux-Arts de Rennes, sous la direction de Denys Zacharopoulos, réalisation et édition Luc Derycke, p.9

2 Eugène Leroy, par Bernard Marcadé, Editions Flammarion, Paris, 1994