Christophe Berdaguer (né en 1968) et Marie Péjus (née en 1969) réalisent depuis les années 90 une oeuvre plastique qui explore les rapports psychologiques et physiques entre l’être humain, l’architecture et l’environnement. Utilisant des médiums variés (vidéo, installation, sculpture) ils proposent une relecture du monde dans sa relation à l’homme au filtre de savoirs scientifiques comme la psychiatrie, la chimie ou la sociologie. Récemment exposés au Palais de Tokyo, lauréats du Prix de la fondation Ricard, ils présentent cet automne à La Maréchalerie une exposition inédite et immersive intitulée Centrale Spirale. Neutralisant l’architecture prégnante du lieu, l’espace d’exposition du centre d’art est également rendu hermétique à la lumière du jour et coupe ainsi les visiteurs de la réalité extérieure. Composée d’un dialogue entre trois oeuvres, Centrale Spirale fait expérimenter aux visiteurs différentes temporalités qui s’entrecroisent, dialoguent et/ou s’affrontent, à travers le spectre de la lumière.
Dans l’espace principal, l’installation monumentale 40 soleils immerge le visiteur d’une lumière intense et démultipliée. 40 tubes fluoréscents suspendus tournent lentement sur eux-mêmes, déstabilisant le corps du visiteur dans sa déambulation. Ces « soleils » génèrent de manière artificielle le spectre lumineux journalier et donnent à voir une lumière figée, et un temps gelé que seul leur lente rotation vient perturber.
En écho, Berdaguer & Pejus présentent l’oeuvre vidéo Timezone (2010) qui met en scène un homme marchant en cercle dans un sable gris. Monté à l’envers, la vidéo hypnotise et donne à voir l’impossible, le sable petit à petit se contraste et se sépare en deux tas distincts, un noir et un blanc. A travers ce personnage devenu horloge humaine, les artistes remontent le temps. Seule source lumineuse de l’espace, Timezone éclaire un empilement de capsules qui tournent également sur elles-mêmes. Cette maquette totalement opaque, sans ouverture sur l’extérieur est inspirée des expériences constructives d’architecture rotative. Telle une machine célibataire, fermée sur elle-même, une architecture négative, elle répond à l’installation 40 soleils et fait écho à une architecture du futur inspirée du bunker et des métabolistes japonais (mouvement architecturale des années 60 qui imaginait la ville du future flexible, extensible et organique). L’architecture virtuelle créée par la lumière d’une part est paradoxalement dans cette oeuvre ici solidifiée au sein de la maquette en créant un dispositif de protection et d’opacité maximale, une matrice permettant au corps de se protéger de la lumière.
Avec l’exposition Centrale Spirale, Berdaguer & Péjus entrainent les visiteurs au sein d’une spirale temporelle et spatiale où l’énergie, le mouvement et le temps sont désynchronisés, tout comme les échelles et la spatialité. Le premier espace propose de pénétrer une architecture en mouvement et en lumière, le second présente une maquette d’une architecture totalement opaque, matérialisation miniature de l’espace que l’on vient de traverser. Le spectateur devient ainsi un élément de ce dispositif voire un engrenage, un connecteur synaptique participant à ces flux d’intensité et de cette machine désirante, fragmentée, décomposée.