Kamel Mennour est heureux d’annoncer « Double Eye Poke », une exposition inédite consacrée aux quatre artistes américains majeurs Lynda Benglis (née en 1941), Dan Flavin (1933-1996), Sol LeWitt (1928-2007) et Bruce Nauman (né en 1941).
Librement emprunté à une oeuvre de Nauman - où la violente attaque optique décrite dans l’expression idiomatique « better than a poke in the eye » est représentée au sens propre et redoublée avec malice - le titre de l’exposition propose d’explorer (cruauté mise à part) diverses modalités, communément qualifiées de minimales, post-minimales, ou conceptuelles, qu’emprunte un intérêt commun pour un certain trouble de la vision.
« Double Eye Poke » rassemble ainsi des oeuvres-phénomènes fondées sur la figure humaine, tantôt manifeste, tantôt plus secrète, incarnée dans l’espace et le temps. Cette figure, souvent fragmentée, voire parfois tout à fait abstraite, prend tour à tour la forme, signifiante, du visage, à la fois matériau brut et objet de représentation symbolique comme dans les caresses chosifiantes de Benglis; celle du corps dans son entier, lieu et outil de l’épreuve et du plaisir de la répétition, avec la chorégraphie amateure frisant l’absurde de Nauman ; celle encore de traces et empreintes physiques de l’artistecréateur (ou de l’art worker à son service), telle la géométrie irrégulière et aléatoire de LeWitt ; ou bien alors celle de pairs (Donald Judd) ou de figures tutélaires de l’histoire de l’art (Vladimir Tatlin) qui inspirèrent des structures évanescentes à Flavin…
Ici constat désenchanté (un neon sign de Nauman ne dit-il pas aussi none sing ?), là apparition fantomatique (les instructions de LeWitt ne finissent-elles pas en un énorme crayonnage apparemment chaotique ?), « Double Eye Poke » offre en tous les cas un défi à l’être percevant et pensant. Défi où des oeuvres sensationnelles se révèlent essentiellement critiques, où le langage (et ses jeux) qui les constitue souligne en la traduisant cette nécessité de découvrir l’invisible au coeur du visible, et qualifie de manière spécifique ce que l’on croyait dépassé : non pas des « tableaux » mais des wall drawings, image-objects, ou céramiques. Le pictural réapparait ainsi là où l’on ne l’attendait plus. Pour reprendre la phrase de Hal Foster, « What you see is never quite what you see. »
Béatrice Gross est commissaire d’exposition et critique d’art indépendante vivant à New York.
Actuellement, elle dirige le catalogue raisonné des wall drawings de Sol LeWitt (Artifex Press, NY) et prépare une exposition de la LeWitt Collection au Drawing Center (NY) en collaboration avec Claire Gilman, Senior Curator. Béatrice Gross est également conseillère éditoriale et curatoriale de Mémoire Universelle (Bruxelles), un projet d’encyclopédie expérimentale et subjective.
Béatrice Gross a notamment organisé une série d’expositions autour de Sol LeWitt et de la LeWitt Collection en tant que commissaire associée au Centre Pompidou-Metz, et co-commissaire invitée au M - Museum Leuven (Belgique) et Madre - Museo d’Arte Contemporanea Donnaregina, Naples. Elle a dirigé la monographie de référence de Sol LeWitt publiée par les Éditions du Centre Pompidou-Metz (2012-2013).
Elle est l’auteur de multiples parutions, dont récemment les essais « The Invisible Man. From Skepticism to Paranoia: A Brief Survey of Predators, Photography, and the Birth of Modern Camouflage », Bruxelles, Mémoire Universelle, 2014; « From Icon to Text and Back Again: Ines Lechleitner’s Metamorphoses », Ines Lechleitner. The Imagines, Berlin, Sternberg Press, 2014; et « Sol LeWitt and the (Re-)Birth of Wall Drawing », Auf Zeit / For the Time Being, Staatliche Kunsthalle Baden-Baden/Kunsthalle Bielefeld/Verlag der Buchhandlung Walther König, 2013.