A Personal Sonic Geology regroupe l’ensemble des films coréalisés par Mathieu Copeland et Philippe Decrauzat depuis 2012. Nés du désir de filmer le son, d’enregistrer des lieux et de plonger dans la matière des processus de fabrication et de destruction, ces films sont présentés selon un mode de projection intégrant l’exposition de peintures écrans monochromes.
Invités à réaliser une programmation d'événements et d'expositions au plateau depuis mars 2014, Mathieu Copeland et Philippe Decrauzat ont à chaque fois utilisé ces espaces et ce temps pour faire intervenir des artistes du champ plastique ou musical - à travers le format de l’exposition ou celui, plus dense, de l’événement – et les filmer, avec comme finalité de poursuivre leur collaboration filmique pour donner à voir et à entendre sous la forme d'un dispositif immersif, ce qui aura déjà été vu, entendu et vécu.
Instaurant ainsi un dialogue entre image filmique, peinture et production sonore, les films, réalisés en relation avec une constellation d’artistes, mettent en oeuvre les procédés de surimpression et de fragmentation de l’image au moyen de la pellicule 16 mm. Qu’il s’agisse de filmer des musiciens, tels Alan Licht, Ellen Fullman ou FM Einheit alors qu’ils réalisent la bande-son des films à venir, d’instaurer un dialogue oeuvre-caméra avec les dessins de Marcia Hafif ou avec un tableau de Peter Halley, de filmer des moments ou des lieux de création – la réalisation d’une peinture de John M Armleder, la recréation d’une action/démonstration de Gustav Metzger ou la grotte de l’artiste et « chercheuse » suisse Emma Kunz – ou encore des lieux de production comme une imprimerie à Marrakech, une usine de filature textile ou une fabrique de peintures, les composantes de ces films forment ici un assemblage linéaire de réalités superposées.
Ce programme a fait l’objet d’une série de manifestes rédigés par des artistes invités, conférant à chaque manifestation – exposition ou événement – son titre et reliant ainsi tous les éléments du projet, tels des maillons d’un même vaste ensemble nous proposant une relecture d’une histoire de la modernité par le biais des arts visuels et de la musique.
Quelques films déjà réalisés :
Alan Licht/les presses régionales
Tourné dans le loft new-yorkais du compositeur minimaliste Phill Niblock, le guitariste américain Alan Licht est filmé au moment même où il improvise et produit la bande sonore du film. Paysages sonores distordus et distendus qui rencontrent en surimpression les éclats mécaniques et anachroniques d'une presse typographique Heidelberg chargée de papier blanc et tournant à vide.
Ce verso de la pellicule a été filmé dans l'imprimerie des presses régionales, à Marrakech, endroit même où sont imprimés les "manifestes" que l'on peut trouver au plateau, distribués durant les expositions et événements programmés par Mathieu Copeland et Philippe Decrauzat et qui correspondent aussi aux visuels déclinés tout au long du cycle.
Ulrich Krieger/filature textile
Le compositeur et saxophoniste Ulrich Krieger est filmé dans le studio son de l'université de Calarts, dans laquelle il enseigne depuis 2007. Pour la bande son du film, il interprète une de ses compositions intitulée Raw-Desert Towns of Southern California. Une dérive très physique à la coloration sonore sombre et apocalyptique qui se superpose à des vues de filage et de tissage de toiles coton prises dans une usine du nord-est de l'Allemagne qui est également le lieu de production des toiles ayant servi à la réalisation des monochromes noirs sur lesquelles étaient projetés ces films dans des expositions précédentes.
F.M Einheit/Atlas
Tourné à la frontière austro-allemande, dans les montagnes du haut Atlas marocain et dans le Sahara, ce film présente le musicien et percussionniste Allemand F.M Einheit (ex-Einstürzende Neubauten – groupe phare de la musique industrielle post punk créée à Berlin en 1980) au travail chez lui, dans son garage, détruisant briques et miroirs, jouant du son des pierres et du sable sur une large plaque en métal amplifiée. F.M Einheit compose et crée une architecture de ruine abstraite et temporaire, qui se voit superposée à des vues ondulatoires de paysages du Sahara et de l’Atlas, faisant écho à ce concert de Einstürzende Neubauten dans le désert du Mojave un jour de 1984, où F.M., venu les mains vides, décide d'utiliser ce qu'il trouve sur place, cailloux, sable, fragments de brique comme éléments de percussion, moment fondateur de son travail sonore.
Parking lot Mexico
Film en trois parties, noir-blanc et couleurs, à partir de la recréation du happening, performance de Gustav Metzger, South Bank Demonstration, réalisé à Londres en 1961, où il pulvérise de l'acide sur une succession de trois toiles rouge blanche et noire en nylon. En quelques vingt minutes, l’oeuvre d’art se crée en s’autodétruisant.
Ce geste, iconoclaste par excellence, est reconstitué avec l'accord de Gustav Metzger sur la zone du parking du musée universitaire et contemporain de Mexico en 2013. Succession de filtres qui se fondent et se défont. Trames rongées qui laissent apparaître des éléments du "décor". Paysage qui s'additionne à lui même dans un balai sonorisé par le musicien Robert Poss qui enregistre pour cette occasion un silence analogique à peine audible qui progresse en bruit blanc.