Time present and time past
Are both perhaps present in time future
And time future contained in time past.
T. E. Eliot, Burnt Norton, The Four Quartets
Une oeuvre d’art qui n’est pas momentanée et éphémère dès sa conception (comme la performance) ou bien qui est prédisposée à ne pas durer (par exemple, les peintures de Gustav Metzer traitées avec de l’acide provoquant la corrosion de la surface) intéragit avec la notion du temps de l’observateur, essentiellement grâce à un déphasage. Au delà du temps nécessaire dont nous avons besoin pour observer / voir une oeuvre d’art, ce moment où le temps de l’oeuvre et le temps de l’observateur se rencontrent selon l’évidente présence des deux, une oeuvre réussie dans son essence même (ce qui est beaucoup plus qu’un banal exercice) possède les racines de l’avenir. Mais ces racines vivent avec les éléments du passé et ceux du présent que nous traversons.
Le perpétuel décalage du lieu et du temps de l’oeuvre d’art (ici et maintenant) qui détermine ensuite une expansion temporelle inattendue, car il agit sur le monde et sur l’observateur suivant un repositionnement continu, suggérant ce moment particulier qui est brièvement présent puis passé. D’une certaine façon nous pourrions attribuer à l’oeuvre cette modalité existentielle que le philosophe Giorgio Agamben entrevoit dans le contemporain : “Celui qui, sentant l’obscurité du présent, saisit son inaliénable lumière; et aussi celui qui, divisant et interpolant le temps, est capable de le transformer et de créer une relation avec les autres temps)”. (Che cos’è il contemporaneo, Roma, Nottetempo, 2008). En effet, si dès sa naissance, une oeuvre d’art n’est pas capable d’apporter quelque chose au futur, elle perd une des ses fonctions majeures : être subversive, oblique, capable de questionner l’observateur, l’entraînant dans un autre lieu mais aussi dans un autre temps.
In my beginning is my end compare la poétique de trois différents artistes : chacun d’eux est invité à suggérer à l’observateur des oeuvres caractérisées par une tension particulière, conceptuelle, visuelle et expressive, si puissante qu’elles peuvent intercepter la notion du temps du visiteur et agir avec des dynamiques de friction, de repositionnement, d’anticipation.
L’exposition - son titre provient des premières lignes d’East Cocker, le second des Quattro Quartetti (Four Quartets) par T.S. Eliot - est née de la nécessité d’apporter des possibilités d’interprétation sur la façon dont une oeuvre peut être considérée comme un outil générateur de sens qui se mesure constamment par le fait de ne pas être en adéquation avec ces repères temporels que nous appelons communément passé, présent et futur. Au cours de son défi répété, le commencement devient la fin, encore et encore, et la fin devient genèse, dans une progression continue et un réarrangement temporel.