Au printemps 2015, Bétonsalon – Centre d’art et de recherche invite l’artiste Maryam Jafri à concevoir une exposition expérimentale et un programme d’événements et de rencontres qui se dérouleront au cours de quatre mois, sous le titre Le jour d’après. Premier projet de l’artiste en France, Le jour d’après sera l’occasion d’activer un vaste réseau de collaborateurs et de participants, à la fois local et international.
Avec des contributions de Jean Genet, Kapwani Kiwanga, Dominique Malaquais, Saadat Hasan Manto, Erika Nimis, Franck Ogou, Helihanta Rajaonarison, S.N.S. Sastry, Jürg Schneider et Cédric Vincent; ainsi que Soufiane Ababri et les participant-e-s de l’ateluer Denis Diderot, les étudiant-e-s du Master Journalisme, Culture et Communication Scientifique avec Thierry Lefebvre et les étudiant-e-s de l’atelier d’écriture de Julie Ramage pour l’UFR LAC de l’université Paris Diderot.
Le jour d’après s’inscrit dans la lignée d’un projet au long cours développé par Maryam Jafri depuis 2009: Independence Day 1934-1975, une installation composée de photographies du jour de l’indépendance dans les anciennes colonies européennes en Asie et en Afrique, prises entre 1934 et 1975. Issues des pays concernés, ces photographies révèlent d’étonnantes ressemblances malgré des origines géographiques et chronologiques différentes, dans la mise un scène d’un modèle politique exporté depuis l’Europe et en passe d’être dupliqué à travers le monde. L’installation présente des images provenant de 29 archives en Asie et en Afrique, juxtaposées sous la forme d’une grille organisée autour de catégories d’événements. Cet agencement particulier révèle le caractère générique des rituels et des cérémonies qui se sont déroulées au cours de ces 24 heures inouïes lors desquelles un pays passe du statut de territoire colonisé à celui d’Etat-nation. La grille élaborée par Maryam Jafri, qui évoque à la fois l’histoire du photo-conceptualisme et la technique narrative du story-board, est fragmentée. L’oeuvre déroute ainsi l’ordre idéologique en jeu dans ces images, et suggérant des lectures non-linéaires.
Le jour d’après prend cette rare « collection de collections » – selon les mots de Maryam Jafri – comme point de départ pour soulever différentes questions artistiques, historiques et politiques posées par ces images et leur arrière-plan historique et institutionnel. Que voit-on lorsqu’on regarde la reproduction photographique d’un événement ? Comment l’histoire est-elle cadrée par ses représentations ? Comment les images et leurs significations sont-elles affectées par leur contexte de circulation ? Comment le jeu de symétries visuelles et de comparaisons transforme-t-il notre compréhension des récits nés des jours de l’indépendance et, par extension, des jours d’après ? Et, en coulisses, que révèlent les conditions d’accès et de préservation sur les enjeux projetés sur ces images ?
Conçue comme un espace de discussions et de rencontres, l’exposition proposera un terrain d’enquête pour explorer ces questions à travers une constellation de contributions matérielles et immatérielles (ateliers, séminaires, performances) en dialogue avec Maryam Jafri, le public et un réseau de chercheurs, théoriciens et artistes invités. Le projet sera ensuite présenté dans une version augmentée à Tabakalera, nouveau Centre de Création de la Culture Contemporaine à San Sebastian (Espagne) en 2016, et fait l’objet d’un programme de recherche transversal sur les expositions expérimentales, Exercizing Doubt, conçu avec ar/ge kunst Galerie Museum à Bolzano (Italie), dans le cadre de PIANO - plateforme préparée pour l’art contemporain, France - Italie.
Maryam Jafri développe son travail artistique autour des représentations visuelles et culturelles de l’histoire politique et économique, à travers la photographie, la vidéo, mais aussi la performance. Ces dernières années, elle s’est notamment intéressée aux liens entre la production des biens de consommation et celle du désir (Avalon, 2011) ; à la construction de récits historiques dans une perspective postcoloniale (Siege of Khartoum, 1884, 2006) ; aux effets de la mondialisation sur les conditions de travail (Global Slum, 2012) ou encore aux enjeux politiques des circuits alimentaires (Mouthfeel, 2014). Ses oeuvres s’appuient sur un processus de recherche interdisciplinaire, nourri de traditions aussi diverses que la littérature, le film, la philosophie ou le théâtre. Elles mêlent souvent matériaux existants et originaux et, à travers le jeu d’expérimentations narratives, provoquent des oscillations entre écriture scénaristique et document, approche fragmentaire ou vue d’ensemble. Le jour d’après est sa première exposition en France.
Parmi ses expositions les plus récentes : Mouthfeel (Gasworks, London, 2014); Backdrop (Bielefelder Kunstverein, Bielefeld, 2013); Headlines and Small Print (Galerie Nova/WHW, Zagreb) ou encore Global Slum (Beirut, Cairo), 2012. Maryam Jafri a réalisé des projets dans des institutions telles que la Neuer Berliner Kunstverein (Berlin) ou le Malmö Konst Museum (Malmö). Elle a participé à de nombreuses expositions internationales, au Beirut Art Center, à 21er Haus (Vienne), à l’Institute for African Studies (Moscou), au Contemporary Image Collective (Le Caire), à Camera Austria (Graz), à la Contemporary Art Gallery (Vancouver), à la CAFAM Biennial (Pékin), au Museum of Contemporary Art North Miami (Miami) en 2014; au Museum of Contemporary Art (Detroit) et au Mukha (Anvers) en 2013; à Manifesta 9 (Genk), à la Bienniale de Shangai et à la Bienniale de Taipei (Taipei) en 2012, et d’autres depuis 2006. Elle a bénéficié d’une résidence d’artistes à la Delfina Foundation de Londres en 2014, dans le cadre du programme «The Politics of Food». En 2015, elle participera au Pavillon Belge de la 56ème Biennale de Venise.