Peintre, graveur, mais aussi critique d’art, écrivain et poète, Émile Bernard est une personnalité majeure dont la place capitale dans l’élaboration de l’art moderne n’a pas toujours été reconnue. À la fin des années 1880, il inaugure le style cloisonniste. On sait l’importance que revêtira cette esthétique, notamment chez Gauguin et Van Gogh, dont Bernard fut proche, mais aussi chez les Nabis. C’est l’époque où Pont-Aven devient un foyer d’innovation picturale sans équivalent.
Après la controverse sur l’invention du symbolisme en peinture, qui en 1891 l’oppose violemment à Gauguin, Bernard s’installe au Caire, sans perdre cependant contact avec Paris. Cet exil égyptien est le lieu d’une profonde mutation. Bernard reconsidère alors la stylisation schématique et la recherche de primitivisme symboliste dans des oeuvres dont la résonance prophétique n’apparaît qu’aujourd’hui. La découverte des maîtres anciens l’incitera cependant à renouer progressivement avec la tradition, dans des peintures au caractère monumental.
De retour en France, il est en 1904 le premier à aller à Aix voir Cézanne, sur qui il a laissé des témoignages fondamentaux et qui le marquera profondément. Ayant très tôt mené de front une activité de critique, Bernard publie à partir du début du XXe siècle des écrits esthétiques remettant en cause les avant-gardes au nom de la tradition picturale. Sa peinture se veut alors polémique. Mais, loin de se définir par un traditionalisme suranné, son art porte toujours la marque d’une personnalité curieuse et tourmentée, à la recherche de l’absolu artistique.
Cette exposition sera la première à présenter la longue carrière de cet artiste protéiforme, dont les mutations successives participent à chaque fois d’une redéfinition de la personnalité et remettent en cause la notion même de style.