L’exposition Off voices rassemble une sélection d'œuvres réalisées par Candice Breitz entre 1994 et 2020. Il s’agit du premier solo majeur de l’artiste en Belgique. Son titre évoque littéralement les voix qui ne peuvent être associées visuellement à un individu ou à un personnage à l'écran. Procédé narratif fréquemment utilisé dans la production télévisuelle ou cinématographique, une "voix off" sert le plus souvent à donner aux spectateurs un accès aux pensées d'un personnage, en fournissant des informations qui, autrement, resteraient inaccessibles.

En dehors du cadre audiovisuel, en revanche, une voix "off", qualifiée "d'éteinte", est une voix que l'on ne peut pas entendre ou - plus inquiétant - une voix qui a été réduite au silence, comme c'est souvent le cas pour les personnes marginalisées ou opprimées. Dans une société saturée de médias, qui regorge d'opinions et où les voix de ceux qui sont les plus visibles sont nombreuses, le silence est trop souvent perçu, à tort, comme un signe d'absence ou d'échec. L'étouffement permanent des voix de personnes précarisées et/ou vulnérables ne sert pas seulement à saper violemment leur présence dans nos représentations, mais aussi à oblitérer leurs histoires personnelles et collectives. Dans l'ensemble de son œuvre, Candice Breitz se demande si et comment de tels silences peuvent être brisés, comment amplifier les voix de ceux qui sont généralement relégués dans l'ombre et dans l'anonymat.

Les œuvres présentées dans Off voices offrent une réalité élargie - une réalité qui accueille des récits à la fois personnels et politiques, mêlant des éléments tirés d’expériences vécues et des propositions fictives - pour indiquer un avenir possible dans lequel un plus grand nombre de sujets pourraient s'exprimer. TLDR, par exemple, met en avant les témoignages d'activistes du travail du sexe qui se sont battus pendant des années pour mettre fin à la stigmatisation et pour la décriminalisation de leur travail. Par le biais d'interviews, cette communauté remet en question, de manière frontale, les sociétés dans lesquelles des catégories telles que la race et le sexe ont été utilisées comme armes au service du pouvoir. Avec ses œuvres exposées au BPS22, Candice Breitz aborde ouvertement sa propre position privilégiée ; se montrant du doigt pour demander sans détour si et comment des artistes menant une vie confortable peuvent réussir à amplifier les appels à la justice sociale. Dans des œuvres telles que la série Ghost et TLDR, elle s'attaque à la relation systémique entre la blancheur et la visibilité, en attirant notre attention sur les micro et macro-violences qui sont presque inévitablement liées au privilège.

Plutôt que de proposer des conclusions simplistes ou dogmatiques, les œuvres rassemblées dans Off voices ouvrent un espace de réflexion et de discussion, offrant aux visiteurs de nouveaux filtres à travers lesquels observer et envisager les manières complexes dont nous nous positionnons, en tant qu'individus, par rapport aux nombreuses personnes que nous rencontrons, à la fois directement et virtuellement, dans le paysage médiatique et dans le monde en général.