Mendes Wood DM a le plaisir de présenter la première exposition personnelle d’Antonio Obá à Paris.
Festim da alma [Fête de l’âme] propose une réflexion sur la nature cyclique de la vie, rythmée par des célébrations et des rites. Les peintures et dessins présentés tracent les temps forts d’un voyage qui se traduisent dans des corps et des silhouettes d’enfants, de femmes et d’hommes, aux existences réelles et imaginaires.
Au cœur de cette exploration, les enfants apparaissent tour à tour contemplatifs, joyeux, craintifs et curieux. Pour l’artiste, cette figure enfantine devient un symbole riche de significations, évoquant des archétypes profondément ancrés dans l’imaginaire collectif. Elle incarne la promesse de ce qui est sur le point d’advenir, synonyme de l’émergence d’émotions inexplorées. Ce sont ces sensations nouvelles, souvent empreintes à la fois d’appréhension et d’espoir, qu’Obá cherche à sonder. Parcourir la conscience de soi sans crainte, tout en embrassant l’idée d’existences perpétuelles, exige une créativité singulière.
Criança de coral [Enfant de chœur] (2024), la pièce maîtresse de cette exposition, est une installation composée de 14 petites huiles sur toile, disposées en demi-cercle sur des socles en bois. Un enfant figure sur chacune d’entre elles, la bouche grande ouverte, tel un membre actif de cet ensemble musical. À y regarder de plus près, ces images d’enfants de chœur apparaissent mélancoliques et presque macabres. Le regard figé et l’apparence statique de ces chanteurs fragiles évoquent une mélodie douloureuse. Avec un coup de pinceau précis empreint de références photographiques, Obá transforme une scène prétendument joyeuse en une manifestation émotionnelle complexe. Cette tension naît de la contradiction entre l’image de l’enfant, symbole de commencement, et l’acte de pleurer, évoquant un drame ou quelque chose sur le point de se terminer. Pourtant, loin d’une lamentation morbide, ces enfants chantent à l’essence même de la vie.
La musicalité revient comme leitmotiv dans une autre œuvre de l’exposition, Alegoria para uma nascida [Allégorie pour une nouvelle-née] (2024), dans laquelle une jeune fille est représentée affrontant un danger avec une certaine gravité. Ce tableau contient une référence directe à l’iconographie religieuse, tant dans le style que dans la représentation. L’enfant se tient debout, l’air placide, son pied droit marchant nonchalamment sur un serpent, symbole du mal dans les traditions occidentales. Autour d’elle, on devine un cadre rural par la présence d’éléments naturels comme une colombe, du foin et des œufs, qui évoquent l’innocence. Ces fables familières offrent un terreau fertile pour le langage poétique de l’artiste. De manière similaire, on retrouve des animaux ou des plantes à travers d’autres œuvres de l’exposition, dont le symbolisme philosophique évoque le passage du temps. Obá lui-même décrit les personnages de deux de ses tableaux comme adâmico [adamique], en référence directe à la mythologie de la Création dans les religions abrahamiques. Même pour le premier homme sur terre, la vie demeurait un mystère.
Le passage du temps se manifeste également à travers la réappropriation de l’histoire, caractéristique chez Obá, et plus particulièrement des épisodes empreints de discrimination raciale. Memento mori: baile de debutantes [Memento mori: bal des débutantes] (2024) fait référence à un événement historique survenu à Belo Horizonte, au Brésil, où un club social traditionnel organisa le premier bal de promo pour personnes noires. Jusqu’en 1963, les jeunes filles et garçons noirs de la ville n’avaient pas la possibilité de participer à ce rite de passage. Cette œuvre fait écho à l’ensemble des recherches qu’Obá mène continuellement sur la mémoire du racisme et ses multiples ramifications socioculturelles. En lien avec le thème central de l’exposition, le symbole de la débutante évoque le commencement d’un nouveau chapitre, plein d’espoir et d’incertitude. Autour des jeunes gens, des dizaines de papillons de nuit dansent discrètement, tels des témoins silencieux de la scène.
Les deux silhouettes de Contenda – 2: a dança [Dispute – 2: la danse] (2024) dansent elles aussi au son d’une ballade inaudible. Elles semblent bouger à l’unisson, dans un décor d’une harmonie parfaite. Tous les éléments de cette scène ont été méticuleusement conçus pour suggérer le contrôle, que ce soit le gazon impeccablement soigné sous leurs beaux souliers ou la clôture rouge vif et brillante. Cependant, comme le titre de cette toile nous suggère, cette scène intime pourrait également dissimuler une lutte/dispute secrète. Peut-être est-ce par la complicité que l’on apprend à faire face au danger.
Enfin, un autoportrait de l’artiste, Autorretrato enquanto máscara [Autoportrait comme masque] (2024), introduit un dernier archétype inspiré de la figure du sphinx. Caché derrière un masque, ce personnage incarne une des nombreuses possibilités – l’effigie d’un chef d’orchestre intemporel dirigeant la partition d’une composition éternelle.
Antonio Obá (né en 1983, Ceilândia, Brésil) vit et travaille à Brasília, Brésil.
Parmi ses expositions personnelles on citera : Rituals of care, Centre d’Art Contemporain Genève, Genève (2024) ; Revoada, Pina Contemporânea, São Paulo (2023) ; Path, Oude Kerk, Amsterdam (2022) ; Antonio Obá: Fables, X Museum, Pékin (2022).
Son travail a également été présenté dans des expositions collectives telles que : Ancestral, Museu de Arte Brasileira / FAAP, São Paulo (2024) ; uMoya: The sacred return of lost things, 12e Biennale de Liverpool, Liverpool (2023) ; Brave new world, Museum de Fundatie, Zwolle (2023) ; Histórias brasileiras, MASP, São Paulo (2022) ; When we see us, Zeitz MOCAA, Le Cap (2022) ; Carolina Maria de Jesus, um Brasil para os brasileiros, IMS Paulista, São Paulo (2021) ; Enciclopédia negra, Pinacoteca do Estado de São Paulo, São Paulo (2021) ; Tuymans – Cahn – Oba, Bourse de Commerce – Pinault Collection, Paris (2021) ; Possédé·e·s, MO.CO, Montpellier (2020) ; 36º panorama da arte brasileira, Museu de Arte Moderna, São Paulo (2019) ; Arte democracia utopia - quem não luta tá morto, Museu de Arte do Rio, Rio de Janeiro (2018) ; Pipa prize 2017, Museu de Arte Moderna, Rio de Janeiro (2017) ; Entre, Casa da América Latina, Brasília (2016) ; et Ondeandaaonda, Museu Nacional da República, Brasília (2015).