Mariane Ibrahim a le plaisir de présenter une exposition individuelle d'œuvres inédites de Jennifer Rochlin dans sa galerie parisienne. Suns and lovers constitue la première partie de cette exposition, dont la seconde sera inaugurée à Chicago en avril 2025.

À travers des éléments figuratifs peints et sculptés sur des vases en terre cuite, l'artiste déploie un paysage narratif tout au long de l'exposition. Des moments et personnages de sa vie quotidienne s'entrelacent avec le monde naturel environnant, notamment les contreforts d'Altadena, en Californie. Ces collines et la nature qui entourent Los Angeles, où elle réside, sont à la fois une source de réconfort et d'inspiration, mais également d'inquiétude.

Intitulée Suns and lovers, l'exposition tire son nom du roman classique de D.H. Lawrence, Sons and lovers, une référence littéraire distante dont les mots et les images résonnent subtilement avec la vie actuelle de l'artiste. Bien que détachée du roman, l'œuvre reflète ses thématiques, en particulier la tension entre un monde intérieur façonné par la tendresse et un monde extérieur marqué par le déséquilibre et l'angoisse. Plus fondamentalement, l'œuvre de Rochlin se présente comme une histoire qui se déploie dans l'espace, vase après vase, s'étendant parfois au domaine bidimensionnel des peintures sur toile.

Dans l'espace principal de la galerie, des pots de petite et moyenne taille sont disséminés sur des socles disposés en labyrinthe, invitant le spectateur à déambuler. Quelques œuvres mettent en avant des représentations de fleurs et d’animaux que l’artiste rencontre lors de ses randonnées dans les collines d’Altadena, offrant un aperçu de ses échappatoires quotidiennes au chaos. Parmi ces pièces se trouvent trois pots de taille moyenne, chacun marquant une « pause » poignante dans le flux narratif, comme des virgules ou des points dans une phrase.

Les vases portent une imagerie personnelle : des portraits de la famille de l’artiste, un paon symbolique en contraste avec une représentation d’incendies de montagne. Les plumes hypnotiques du paon, également reproduites comme motif de papier peint sur l’un des murs de la galerie, répondent aux angoisses liées à la vie près de zones sujettes aux incendies. L’artiste trouve paradoxalement dans la nature une échappatoire créative au malaise provoqué par sa destruction.

À l’étage, l’attention se porte sur trois grandes pièces en céramique rose. Dans ces œuvres plus monumentales, des histoires s’inscrivent dans des bordures de tapisserie. Une pièce intitulée French kiss (2024) rend hommage à certaines des œuvres françaises préférées de l’artiste représentant l’intimité, notamment des œuvres de Picasso (Le baiser, 1969), Henri de Toulouse-Lautrec (Au lit, le baiser, 1892) et Auguste Rodin (Le baiser, 1880-1898). Ces céramiques sont accompagnées de trois peintures, dont une qui établit un pont entre le passé et le présent en faisant référence à une œuvre antérieure de l’artiste, If I had gone to Chicago... (2024), un grand vase en terre cuite dans lequel elle s’imagine flânant dans la ville. Entre réalité et fantaisie, le travail de Rochlin se déploie dans des espaces bi- et tridimensionnels, offrant des images tendres et sensuelles ancrées dans la réalité.

La spontanéité qui émane de ces œuvres, où la main humaine est perceptible dans les imperfections des formes en céramique, contraste avec la précision et la technicité requises pour peindre sur l’argile cuite, un support exigeant. Qu'il s'agisse de toile ou de céramique, c'est dans cet équilibre délicat entre l'organique et le contrôlé que l'œuvre de Rochlin atteint son impact durable, engageant avec le monde qui l’entoure à travers un prisme d’humanité et d’appréhension.

Suns and lovers marque la première exposition de la galerie avec l’artiste et sera visible du 12 décembre 2024 au 18 janvier 2025.