C’est ainsi que le peintre et écrivain Bernard Dufour a qualifié le Pierrot, longtemps dénommé le Gilles, d’Antoine Watteau (1684-1721). Au-delà de la figure familière et iconique de cet étrange personnage tout de blanc vêtu, c’est bien d’une œuvre d’une absolue singularité dont il s’agit. Tout, de son histoire à sa composition, en passant par son iconographie et son format, intrigue et interroge.

Les origines de la toile demeurent totalement inconnues et sa première mention certaine ne date que de 1826. L’interprétation du tableau, inspiré par l’univers du théâtre et notamment par Pierrot, le personnage comique le plus célèbre à l’époque, demeure elle aussi complexe.

À la faveur de la restauration au Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) qui vient de rendre au tableau tout son éclat, le musée du Louvre lui consacre une exposition qui est la monographie qu’il méritait. Elle examine ce mystérieux chef-d’œuvre en le replaçant dans le contexte de la vie théâtrale du début du XVIIIe siècle et en regard de la production de Watteau et de ses contemporains. Sans oublier d’explorer la fascination constante et féconde que le Gilles a exercée jusqu’à aujourd’hui sur les créateurs de tous horizons, de Fragonard à Picasso en passant par Nadar, Derain ou Marcel Carné : peintres, écrivains, comédiens, photographes ou cinéastes – chacun ayant proposé, avec talent, d’en percer la captivante énigme.

L’exposition réunit soixante-cinq œuvres (peintures, dessins, gravures, livres, photographies et extraits de films), dont sept tableaux de Watteau, grâce au soutien de nombreux musées français, européens et américains, dont la Bibliothèque nationale de France, la Gemäldegalerie de Berlin, la Wallace Collection et la National Gallery of Art de Washington.

(Commissariat : Guillaume Faroult, conservateur en chef au département des Peintures,musée du Louvre)