La terre, l’eau, le feu sont trois éléments de la physique naturelle que l’histoire du Creux de l’enfer et sa situation géographique font converger, trois éléments indissociables de l’activité de cette ancienne coutellerie dont s’empare l’artiste Charlotte Charbonnel pour associer l’esprit des lieux aux volcans d’Auvergne.
En 2019, dans le cadre d’une exposition collective, l’artiste s’était déjà intéressée aux arts du feu en visitant la forge d’un fabricant de lames en acier damassé. Lors de sa résidence à la coutellerie Claude Dozorme, elle avait réalisé, à partir de chutes de l’entreprise, des flèches en acier damassé fichées dans la roche dans le cadre de son exposition Nucleus dans la grotte du Creux de l’enfer. L’ensemble lui avait été inspiré par cette bouche, cette entaille que surplombe le Creux de l’enfer, et d’où jaillit l’eau de la Durolle qui alimentait autrefois ses rouets.
L’élargissement du champ de perception par la révélation des aspects invisibles qui composent un environnement caractérise l’œuvre de Charlotte Charbonnel. A l’appui des récits populaires (c’est dans le Guide de la France mystérieuse qu’elle découvre la notion auvergnate de « Larmes de la terre » pour qualifier la lave), de sa découverte de sites naturels, parmi lesquels le volcan de Lemptegy, et des savoir-faire scientifiques et artisanaux, l’artiste fait le récit d’une archéologie imaginaire des volcans d’Auvergne. Elle expose un ensemble de sculptures de lave, de films et d’œuvres qui articulent les matières naturelles et manufacturées.
Mêlant l’observation attentive de la nature à la création de son répertoire de matières et de formes, Charlotte Charbonnel travaille subtilement ce passage entre œuvre issue des puissances naturelles et artefact. Lors de sa découverte du territoire auvergnat, s’intéressant aux façons de scénographier des phénomènes naturels et de présenter des collections de minéraux, elle est aussi allée visiter la Grotte de la pierre de Volvic, une ancienne galerie d’extraction transformée en musée retraçant notamment ses origines volcaniques.
Afin d’expérimenter les possibilités de transformation des laves pour en faire sa matière première, elle a collaboré avec le laboratoire Magmas et Volcans de Clermont-Ferrand. Façonnée sous la forme de plis, de torsades ou de bombes projetées dans les airs, la lave est une empreinte, une traduction des puissances de l’air, de l’eau et de la terre. C’est inspirée par les différentes typologies de ces formes magmatiques que l’artiste produit des monticules de lave en explorant la viscosité et les propriétés physiques de la pouzzolane, une roche volcanique aux teintes allant du rouge au noir. Jouant sur la verticalité du centre d’art réparti en deux plateaux, en une forme d’analogie avec la cheminée du volcan d’où sont crachés et révélés aux yeux des hommes les trésors occultés par le manteau terrestre, le rez-de-chaussée donnera l’impression de se trouver dans les entrailles de la terre et le premier étage au sommet, dans l’incandescence des couleurs, la vibration de l’air et de la lumière, l’éruption visuelle et sonore du volcan. Le visiteur est invité à traverser différents états de la matière, du plus solide au plus liquide, du plus sombre au plus incandescent.
L’exposition se structure en une série d’étapes de révélation propices à l’émerveillement, elle est le récit d’un voyage sensoriel dans les différentes échelles des phénomènes naturels liés à la formation du paysage où il se trouve. L’exposition a fait l’objet d’une bourse d’aide à la production de la Fondation des artistes.