À propos de Pietro Ruffo.
Scènes d’actualité restituées à l’ancienne… L’univers artistique de Pietro Ruffo prend le contrepied de notre monde traversé par des flux d’images éphémères.
Cabinet de curiosités, bibliothèques, archives : de grandes cartes déployées invitent à l’exploration. En résonance avec des penseurs tel Jared Mason Diamond ou Yuval Noah Harari, et des artistes tels Alighiero Boetti, William Kentridge ou Kara Walker, son travail d’aujourd’hui s’intéresse autant au phénomène global de l’exode et des migrations qu’aux constellations célestes, à la géographie et à la géologie autant qu’à la politique ; bref autant à la nature qu’à la culture.
Du point de vue formel, cette enquête/recherche au long cours revêt des formes variées : dessins, découpages, assemblages, céramique… Dans chaque oeuvre les contours de silhouettes anonymes, de figures allégoriques et d’archétypes s’enchevêtrent, parcourant des territoires réels ou imaginaires. Tout y est en mouvement : les corps, les idées, les frontières et les points de vue.
Collage, montage, découpage : l’histoire avec un grand H rejoint le présent. À la complexité des phénomènes abordés répond le caractère détaillé et fourmillant des oeuvres. Le monde tel que le représente Ruffo est peuplé jusqu’à la saturation d’êtres et de signes. Certaines parties de l’image sont découpées puis piquées avec des aiguilles ; comme si la forme se décollait, se dissociait du fond.
Et pour la première fois dans une exposition de l’artiste, on découvre aussi des fresques d’azulejos et de grands vases de faïence, souvenir de ceux dans lesquels les marchands grecs et étrusques transportaient leurs précieuses cargaisons. Chacun de ces objets, souvent richement décorés, racontaient une histoire. On s’échangeait alors autant des épices ou de l’huile que des légendes. Et pour naviguer d’un rivage à un autre, on fixait les étoiles qui donnaient le cap.
La science indique un chemin, une méthode d’approche du réel ; le mythe désigne une autre voie. Et les deux coexistent : on cartographie le ciel à l’aide de la fameuse raie d’absorption de l’hydrogène où bien l’on dessine la constellation de la Lyre ou celle d’Orion. Ce sont deux manières de voir mais aussi de cheminer, de se déplacer en créant autour de soi des repères, que ceux-ci soient stables ou impermanents, objectifs ou imaginaires. Tout l’art consistant ici à passer de l’une à l’autre, à se déplacer sans cesse afin de repousser l’horizon.
Construire une image qui soit aussi un voyage, une traversée.