«Shapes in Silence» est une invitation à s’immerger dans une atmosphère de calme et de méditation. Les deux artistes exposés, l'allemand Matthias Contzen et le britannique Tom Henderson, travaillent des matériaux, des supports très contrastés: si Contzen occupe l'espace physique avec de grands objets tridimensionnels et que son matériau de prédilection est le marbre blanc classique, Henderson s'exprime à travers des objets plus proches de la notion de la bidimensionnalité et utilise la matérialité moderne de l'acrylique. Les deux artistes affichent une préférence pour un matériau unique associé à un monochromatisme dominant. Pourtant, la l’intégrité des surfaces polies du marbre et de l’acrylique semble altéré par des discontinuités provoquées par les processus de création choisis. Contzen confère au marbre une esthétique totalement nouvelle, rappelant la dentelle. Henderson quand à lui, peint le verre acrylique avec des sections de couleurs unies qui sont ensuite retirées selon un processus lié au hasard. À première vue, les motifs géométriques ainsi créés se révèlent. Pourtant, à y regarder de plus près, ces formes invitent le spectateur à procéder à une inspection plus approfondie, à regarder sous différents angles et à explorer les différentes transparences des matériaux.
Les deux artistes pesent l’art avanat tout comme une expérience esthétique, une expression de la modernité qu’ils choisissent pour contraster leur travail discret avec le monde compliqué et au rythme rapide dans lequel ils vivent. En niant les interférences de leurs conditions de vie, l’engagement des deux artistes rappelle une tendance qui s’enracine dans le minimalisme, un mouvement artistique qui s’est développé en 1965 comme refus catégorique de la mission humaniste de l’art . À l’instar du minimalisme, Contzen et Henderson célèbrent tous deux l’aspect contemplatif de l’art et nous demandent de nous connecter au caractère sacré des œuvres et à leur capacité de faire appel à nos sens. Leurs œuvres transportent le spectateur vers les notions du Pur et de l'Abstrait, qui s’exprime pleinement sous des formes classiques via une approche intellectuelle préconçue incluant des systèmes mathématiques, des formes géométriques et la manipulation de matériaux choisis. L'honnêteté de leurs créations est rendue par leurs attributs formels, qui découlent directement de leurs intentions d'investigation. Comme dans le minimalisme, ils célèbrent le rationalisme et une façon de penser mathématique, tout en maintenant «une position esthétique dans laquelle la construction d'un objet indiquerait une géométrie immédiate et lisible».
En tant que spectateurs, le rapport physique à ces œuvres invite à une guérison immédiate. L’art a récemment été proposé comme remède efficace contre des maladies telles que l’anxiété, la dépression et le stress, une reconnaissance liée au développement de l’idée du musée comme «cathédrale moderne». L’historienne d’art américaine Carol Duncan suggère également le «musée en tant que temple» ou «en tant que rituel»; Elle avance que les musées sont des lieux «qui pourraient ouvrir un espace dans lequel les individus peuvent prendre du recul par rapport aux préoccupations pratiques et aux relations sociales de la vie quotidienne, permettant de se regarder soi-même ainsi que d’appréhender le monde avec des pensées et des sentiments différents». L’observation de Duncan est utile pour rappeler la nécessité du contemplatif dans l'art. La Galerie Dutko est transformée, à travers « Shapes in Silence », en une cathédrale moderne, lieu du sacré et de la contemplation, lieu de guérison et de méditation.