Depuis qu’il a découvert le talent de Wasterlain, Franquin collectionne ses pages et ses dessins dans une chemise qu’il montre un beau jour à notre auteur éberlué, lui qui peine à se faire publier. Assistant de Peyo qui, submergé par le succès des Schtroumpfs, ne peut plus lui fournir assez de travail, il a tenté de lancer deux séries dans Tintin sans bénéficier de leur édition en albums. Les encouragements de Franquin arrivent au moment où le magazine Spirou l'accueille enfin, lui ouvrant la porte des éditions Dupuis.
Alors qu’il démarre dans des conditions rocambolesques les aventures poétiques, fantastiques et humoristiques du Docteur Poche, Wasterlain se casse la main droite. Du coup, son trait rond et régulier devient plus sec et anguleux, au point que sa nouvelle manière de dessiner va faire des émules. Dans cette période où une nouvelle génération d’auteurs arrive sur le marché avec l’intention d’échapper au style « gros nez », son influence est très visible, surtout chez les nouveaux auteurs du journal Spirou . Très vite, avec son Docteur Poche plein de fantaisie, sensible et écologique avant l’heure, Wasterlain est catégorisé comme « le poète de la BD », une renommée qui lui vaut de nombreux prix mais qui l’accable. Prenant le contre-pied, il crée alors Jeannette Pointu, une, photographe de presse parcourant le monde pour témoigner des guerres lointaines et des peuples oubliés ou en souffrance. Ses récits aventureux, très documentés, sont racontés avec une profonde empathie.
Mais le parcours de Wasterlain n’est pas un long fleuve tranquille. Très attaché à la prépublication de ses histoires dans la presse hebdomadaire, il vit difficilement les bouleversements qui secouent les maisons d’éditions traditionnelles qui passent d’un propriétaire à l’autre. Alors que son Docteur Poche s’adresse désormais à un public plus jeune, il retrouve sa verve fantastico-humoristique avec Gil et Georges, puis crée les Pixels pour un public juvénile auquel il n’a finalement jamais cessé de s’adresser. Avec Marc Wasterlain, c’est toute une page de la BD belge qui est évoquée dans cette exposition qui rend justice à son immense talent.