Du 16 octobre au 30 novembre 2018, la galerie Mark Hachem propose de redécouvrir un maitre du XXe : le peintre égyptien Hamed Abdalla (1917-1985).
Grâce à un ensemble de pièces inédites et de qualité muséale, l'exposition est une introduction synthétique qui aborde les principaux styles de l'artiste, son évolution et ses recherches. Une première série de pièces - petits formats d'une extrême rareté - permettra de découvrir la période de jeunesse où une lumière quasi sans ombre éclaire le drame existentiel des plus démunis d’Egypte. Abdalla décrit son peuple avec empathie, dans un style personnel, fidèle mais économe, sans anecdote, déjà plus expressif que réaliste. Puis, au début des années 50, la couleur se pose en aplats géométriques et découpe le dessin. Les œuvres intègrent les fresques populaires, la monumentalité des sculptures de l'Egypte antique, les arts copte et arabo-musulman, les figures sculpturales des arts premiers. Une forme de caricature intervient et transforme les personnages. Des portraits de fellahs empruntent à la représentation des rois : premières synthèses.
Mon but est de peindre le peuple pour le peuple.
(H. Abdalla)
En 1956, Hamed Abdalla, artiste révolutionnaire, engagé dans son temps, quitte l’Egypte pour le Danemark où il vivra dix ans avant de s’installer en France pendant vingt cinq ans. En 1957, à partir d’une recherche sur le mot arabe visage, Abdalla invente un nouveau concept qui devient prépondérant en 1960 et qui occupera l'artiste jusqu'à sa mort : « le mot-forme ».
Abdalla part de l'alphabet arabe pour suggérer des figures humaines. En transfigurant un mot avec les propres lettres qui le composent, il réduit volontairement son vocabulaire de formes. L’artiste se concentre alors sur l’agencement de ces formes pré-établies, sur la matière qui les compose ou les entoure et atteint « Det Skabende Ord » (le mot-forme) : une synthèse expressive entre la calligraphie et l’art figuratif d’une puissance extraordinaire. C'est cette trouvaille majeure qui fait d'Abdalla un artiste unique, un maitre.
Au commencement était le verbe
Lecteur acharné, mystique, philosophe, Abdalla retrouve l’équivalent de la première phrase de l’évangile selon Saint Jean dans les textes de l’Egypte antique et dans l’Islam. « Le logos » devient universel et les mots Espoir, Tristesse, Révolution, Amour, Défaite, Exil, Esclave, Amants, Shéhérazade génèrent des êtres « ayant leur physionomie propre ». L'exposition montre la richesse des techniques employées et des variations plastiques par lesquelles l'artiste a décliné son concept. Abdalla synthétise les influences, les acquis orientaux et occidentaux. Il fusionne le verbe, sa signification et son illustration dans une même oeuvre dont le sujet demeure l'être humain, universel.
Des regards, des postures, des matières se dégage une atmosphère unique : une mélancolie, une fatalité mêlée de résistance et d’espoir. Des œuvres des années 40 jusqu’à celles qui précèdent sa mort, c’est bien de la condition humaine qu’il s’agit : un battement de paupière, un passage éclair qui offre pourtant tous les choix et abrite l’ivresse d’une infinie liberté.