Articulée entre trois institutions (Musée d’Art et d’Archéologie de Périgueux, Musée Vesunna et la Chapelle de la Visitation) l’exposition d’Antoine Donzeaud peut se lire comme un précipité de ses obsessions : dérive architecturale, cut-up spatial, blockchain sentimental, meta-urbanisme digital. Le titre de l’exposition est extrait d’une interview de l’artiste Gordon Matta Clark, célébré comme « anarchitecte » pour sa pratique du découpage de bâtiment. Mais on pourrait peut-être aussi affilier cette exposition à une autre bâtisse, la Slow House de Diller Scofidio.
Projet non réalisé, cette maison sera néanmoins une illustration prodigieuse de l’architecture comme champ d’information.Chaque institution obéit à un scénario, une fiction naturalisée par l’architecture et collectivement performée par ses occupants. A ce titre, la pratique d’Antoine Donzeaud est comme une lente métastase, un virus se propageant dans les veines des espaces qu’il investit. Sa première intervention au MAAP est double : extraction et re-contextualisation. La bulle plastifiée servant jadis d’abri à l’agent d’accueil est désindexée de sa fonction administrative. Le sol recouvert de moquette poursuivra son dessein dans les courbes de ladite bulle en plexiglass. S’intéresser à la structure, aux lignes de ruptures ou de démarcations, sera aussi au cœur de son entreprise. Les frontières délimitant les lieux d’expositions des fresques antiques sont ainsi estompées, reliées, assemblées par des mètres de bâches tendues sur des châssis.
Ce faux plafond rompt une taxinomie, une séparation autoritaire des formes et des époques et s’hybride avec le bâtiment, tout en suggérant de nouvelles potentialités. Prélèvements, déplacements et reconfigurations sont aussi les procédures engagées dans la série de nouvelles vidéos d’Antoine Donzeaud. Bribes intimes, vignettes éparses de stories Instagram, celle-ci sont soustraites à leurs devenirs intimes afin d’être exposées comme autant de produits de l’industrie contemporaine des affects.A la Visitation, plusieurs parois sont retirées, des découpes franches sont opérées sur les cloisons laissant réapparaître les détails de la Chapelle. La nef, l’autel et la porte principale originelle s’invitent furtivement dans l’espace d’exposition. Le hors-champ, l’histoire fluctuante des lieux et de leurs fonctions sont célébrés et rendus à l’état de strates.
Réengagés dans l’expositions ils deviennent réceptacles à leurs tours de nouvelles propositions artistiques : ici l’invitation faite aux vestons de latex de l’artiste Bianca Bondi. La dernière intervention est faite au musée Vesunna où un jeu d’escape-game (jeu d’énigme consistant à s’échapper d’un lieu fermé) fut démonté puis réutilisé de manière parcellaire à la Visitation. Remis-en-scène ses ossements d’architectures servent de base à un nouveau récit. Au centre de l’estrade, trône une maison désarticulée, rendue à sa plus simple grammaire. Elle fait référence aux maisons démontables de Jean Prouvé, architecte d’après-guerre célèbre pour ses modules adaptatifs et fonctionnels. Ici, les fenêtres industrielles donnent sur des amphores et des collages de vidéo YouTube. «When you cut into the present the future leaks out » disait l’écrivain américain William Burroughs. A travers ses déplacements et ses multiples excavations, c’est peut-être dans cette région temporelle instable que se situe cette exposition.