Galleria Continua est heureuse de présenter The way we were, exposition personnelle d’Arcangelo Sassolino, artiste qui depuis plus de deux décennies dépasse les contraintes plastiques de chaque matériau, en s’intéressant aux limites du possible, au danger et à la vacuité de l’existence.
Plus loin une autre sorte d’âme torturée s’érige, The way we were, exposée pour la première fois, et donnant son titre empreint de romantisme à l’exposition. La vitesse et la force brutale qui caractérisent l’action violente de la presse, lui permettent d’écraser une pierre de basalte noire en moins de deux minutes. Ceci en complète opposition avec la douceur du nom faisant référence à la splendeur hollywoodienne des années soixante-dix. La descente inéluctable du piston, son arrêt, et enfin son ascension, indépendante de la présence ou non de la pierre, créent un cycle infini, rappelant, sous forme de mythologie mécanique, le récit de Sisyphe. La fragmentation perpétuelle annonce alors le caractère éphémère de la vie et le passage inexorable du temps, qui ne laisse derrière lui qu’un amas de poussière.
Dans sa sculpture mécanisée, les matières ou les forces s’attirent, s’entremêlent et s’affrontent en créant un équilibre précaire entre poésie et tension, se confrontant ou défiant les lois de la physique. Gravité, pression, ou vitesse obtiennent alors les rôles principaux et animent la dramaturgie vivante de machines hiératiques, éprises de liberté et de paroles. Celles-ci peuplent ce parcours d’exposition avec des « performances inorganiques », terme utilisé par l’artiste pour définir les actions cycliques et théâtrales de ses créatures.
Plusieurs œuvres au caractère moins performatif ou statique constituent l’exposition. Massimo est une double roue de camion, comprimée par une pince en acier qui en dénature la forme. S’installe alors une résistance douloureuse et vaine, où le pneu tente de s’opposer à cette pression étrangère afin de retrouver sa courbure d’origine. Avec Untitled, une couche de béton est versée sur une feuille de polycarbonate précédemment déformée. Celle-ci est retirée une fois le béton sec et permet ainsi de dévoiler la forme calquée sur chaque pli, chaque contour de la feuille. Par sa facture, son épaisseur, sa couleur, le ciment devient une matière artistique amadouée et protéiforme offrant de nouvelles possibilités plastiques. Canto V, référence à l’enfer dantesque et ses âmes damnées, domine la première salle. La structure s’impose avec sa poutre en bois, opprimée par deux bras d’acier reliés à un piston. Des craquements sourds, imprévus, bercent la déformation et la cambrure constante auquel le bois est soumis. Ces lamentations tantôt faibles, tantôt fortes, nous rappellent le danger d’une cassure possible et imminente, qui n’arrive jamais.
Les œuvres d’Arcangelo Sassolino sont le fruit d’études approfondies visant à explorer les possibilités ou faiblesses de matériaux industriels. Il évalue et bouleverse la vulnérabilité du verre, la structure du ciment, la masse de l’acier, sans jamais oublier leur pouvoir esthétique. Avec Stelle, des fragments de verre sont retenus de manière incertaine grâce à des liens en plastique. Ces lignes irrégulières et tranchantes révèlent toute la fragilité de l’œuvre et transforment ces astres fixés au murs en étoiles filantes. Le coup de grâce ou de clôture arrive cependant avec D.P.D.U.F.A. (Dilatazione Pneumatica Di Una Forza Attiva). Une bouteille nichée dans un boîtier en acier, isolée avec du polycarbonate, est reliée par un tube à un cylindre d’azote. La lente diffusion du gaz se révèle fatale pour le récipient en verre qui se remplit et explose sous l’effet de la pression, sans avertissement. Les actions répétitives, les rituels obsolètes sont, encore une fois pour Sassolino, condamnés à l’échec, qu’elles soient sous forme de non-aboutissement de l’action ou de destruction de la matière. Le visiteur est donc immergé dans un état de tension permanent, anticipant les moments de chute ou d’épilogue. Sans fermer les yeux, il procède avec prudence dans un univers qui référence constamment l’inévitabilité du temps qui passe. C’est avec la dernière explosion, conclusion féroce de la vie d’un objet inanimé, que l’artiste nous réserve un dernier coup de théâtre.
Arcangelo Sassolino né en 1967 à Vicence où il vit et travaille. Après avoir étudié à la School of Visual Art de New York de 1990 à 1995, il travaille comme designer pour l’industrie du jouet, à New York. En 1996, il retourne à Vicence et commence sa carrière artistique. L’œuvre d’Arcangelo Sassolino a été présentée à l’internationl : FRAC, Reims, France (2007) ; 52èmeBiennale de Venise, Venise, Italie (2007) ; Château de Tokyo / Palais de Fontainebleau, Fontainebleau, France (2008) ; Palais de Tokyo, Paris, France (2008) ; Peggy Guggenheim Collection, Venise, Italie (2009) ; Mica Moca, Berlin, Allemagne (2009) ; MACRO Museo d’Arte Contemporanea, Rome, Italie (2011) ; CRAC Museum, Sète, France (2014) ; CAM / Contemporary Art Museum, St. Louis, Etats-Unis (2016) ; Frankfurter Kunstverein, Francfort, Allemagne (2016) ; Grand Palais, Paris, France (2018)