La Galerie Jeanne Bucher Jaeger Lisbonne ouvre le 19 janvier prochain son nouvel espace dans le quartier du Chiado avec une exposition consacrée aux peintres naïfs André Bauchant (1873-1958) et Louis-Auguste Déchelette (1894-1964) qui se tiendra jusqu’au 17 mars.
André Bauchant ou le Peintre Jardinier est un artiste autodidacte. Il se met à la peinture tardivement, à 46 ans, dès son retour de la Première Grande Guerre où il peignait de petites cartes postales qu’il vendait à ses camarades. Les mouvances de la guerre le portent aux Dardanelles en Turquie, et plus tard en Grèce. Les paysages méditerranéens qu’il imaginait, enfant, à travers ses lectures passionnées sur la Grèce antique et la mythologie prennent vie devant lui et s’impriment pour toujours dans son œuvre. Il y intégrera, sans complexe ni séparation, tout autant le paysage que la nature morte, le portrait, le nu ainsi que les grands thèmes de la mythologie et de l’antiquité. Son œuvre singulière est reconnue mondialement et permet à Bauchant d’être présent dans des collections privées importantes (Serge Diaghilev, Peggy Guggenheim, Christian Dior, Le Corbusier et Catesby Jones entre autres), mais aussi dans des institutions de prestige (le MoMA de New York, le Virginia Museum of Fine Art à Richmond, le Musée international d’Art naïf Anatole Jakovsky de Nice, le Musée national d’art occidental de Tokyo, le Stedelijk Museum d’Amsterdam, le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, le Centre Georges Pompidou de Paris et la Tate Modern de Londres).
Louis-Auguste Déchelette représente, de façon réaliste et avec un humour déconcertant, des scènes de tous les jours, de la ville ou de la campagne. Ses peintures démontrent un goût particulier pour le détail et introduisent des calembours qui stimulent notre pensée, ou nous font sourire, de par leur vivacité d’esprit et leur sens critique. Bien que ses peintures dépeignent des scènes d’amusement populaire et autres scènes champêtres, Déchelette démontre une prise de conscience sociale et politique aiguë, comme en témoignent quelques-unes des œuvres exposées. Déchelette se consacre exclusivement à la peinture en 1942, suite au bon accueil que lui reserve la critique, dès sa première exposition organisée par Jeanne Bucher. L’application de l’encre et le choix judicieux des couleurs mates de sa peinture sont sans doute liés au fait que Déchelette a été peintre en bâtiment durant une grande partie de sa vie.
La première rencontre avec les œuvres de Bauchant et Déchelette, produit un véritable sentiment de suspension du temps chez le spectateur. L’étrangeté des lieux et le caractère insolite de leurs compositions rappellent, presque inévitablement, les œuvres de Magritte ou d’Edward Hopper.
Le noyau d’œuvres ici réunies a été rendu possible grâce à la curiosité, l’engagement et le regard averti de Jeanne Bucher – fondatrice de la galerie en 1925 – qui, dès le départ, a eu un rôle de premier plan dans la diffusion et la promotion du travail de ces deux artistes. Bauchant est l’artiste que Jeanne Bucher a le plus souvent exposé durant les années où elle a dirigé la galerie. Son intérêt pour les Naïfs ou les « Primitifs modernes », comme les a appelé le collectionneur et marchand d’art Wilhelm Uhde, s’est traduit par l’organisation en 1942, pendant l’occupation allemande de Paris, de la première exposition consacrée à Louis-Auguste Déchelette, peintre antifasciste et résistant, lui offrant ainsi une place de choix dans la seconde vague d’artistes naïfs.
La galeriste Dina Vierny poursuivra, au décès de Jeanne Bucher, cette passion pour l’œuvre de Bauchant et nous remercions sa galerie de s’être naturellement associée à cette première présentation de l’œuvre de Bauchant à Lisbonne.
Cette première exposition consacrée aux deux artistes Naïfs s’inscrit dans la programmation globale de la galerie à Lisbonne, qui sera principalement, mais pas exclusivement, consacrée à l’art contemporain. Le parti pris de cette programmation est de présenter des œuvres d’art provenant de circuits artistiques inclassables ou considérés comme moins capitaux. L’objectif est d’interpeler le public et de montrer l’influence qu’elles ont exercé sur l’art actuel en créant des relations d’affinité ou de contraste entre ces œuvres et les pratiques artistiques établies.