La Galerie Nathalie Obadia est très heureuse de présenter Sūmud et autres histoires, la troisième exposition personnelle de Luc Delahaye à Paris. L’artiste propose à cette occasion sept oeuvres photographiques et une vidéo réalisées entre octobre 2015 et mars 2017 en Palestine.
«Deux jeunes gens sont assis sous un arbre, ils se taisent. Dans un taxi collectif, une femme tient son enfant sur ses genoux. Cinq mille travailleurs passent le portique d’un checkpoint et commencent leur journée. Des mains s’animent dans le rituel funéraire des shahids. Un enfant essaie de faire reculer son âne. Des ombres, des silhouettes, rejouent le combat primitif. Deux gamins sont perchés sur un olivier. Des figures minuscules s’agitent dans un paysage stratifié par l’histoire.
Ce sont des choses vues en Palestine. Elles ont été enregistrées avec un téléphone ou avec une chambre photographique inventée pour l’occasion, elles ont été saisies sur le champ ou lentement reconstituées avec des modèles.
La réalité extérieure de la vie palestinienne, dans ces grandes photographies, n’apparaît que de façon indirecte. Elle est la matière qui donne aux images leur rigueur, mais on ne peut dire qu’elle en constitue le sujet. Ce qui est montré c’est, peut-être, un sentiment. Qu’est-ce qu’être jeune en Palestine aujourd’hui? Comment trouver sa place dans un pays qui n’existe que par la mémoire et dans la conscience commune d’un devoir? La responsabilité de perpétuer la résistance est reçue par chacun en héritage et s’oppose au désir de vivre sa vie pour soi-même. Il n’est pas simple de vivre selon le sūmud.
Sūmud : fermeté, détermination. Cela veut dire: être là, tenir, en dépit de l’affront permanent, de l’humiliation quotidienne, et affirmer son identité, affirmer sa présence. Le sūmud est, au centre de la conscience nationale palestinienne, une stratégie de résistance à l’occupation et une philosophie réalisée. C’est une attitude. ll est lié à la souffrance, mais n’y trouve pas sa finalité; son horizon est la liberté et la justice. Et c’est une discipline: le sāmid entretient le feu de sa rage au fond de lui-même et n’en laisse rien paraître. Il se domine.
Deux jeunes gens, donc, sont assis sous un arbre. A l’écart des autres, ils se reposent du rôle qu’avec les autres on doit tenir. C’est l’heure de l’amitié et des mots prononcés à mi- voix dans la confiance. Cependant ils semblent absents l’un à l’autre, comme enfermés séparément dans le silence et troublés par le retour d’une pensée amère. Pensée de la perte, du manque et de l’impossibilité, variante palestinienne du blues.»