« Pour imposer ces sentiments complexes qui combinent contemplation et décryptage, compréhension et rêverie, Guillaume Zuili recourt à ce qu’il y a de plus photographique dans la pratique des images : le tirage.
Rappel salutaire que la photographie n’existe que sous forme virtuelle, voire éphémère – celle qui gagne, apparemment, aujourd’hui – si elle ne se matérialise pas, si elle ne devient pas un objet, fût-il de papier et fragile. Il rappelle, en fait, que ces feuilles, savantes et raffinées, fruits d’un savoir-faire artisanal et de perpétuelles réinterprétations, vibrent des tonalités souvent incontrôlables des virages, émeuvent par la façon dont les grains d’argent s’accouplent aux trames du papier, affirment à la fois la profondeur veloutée des noirs et les camaïeux des gris qui modulent et caressent les formes. C’est là que s’inscrit une perception du temps, parfois amusée sous ses dehors charmeurs, qui prend de la distance et nous renvoie vers le rêve des palmiers et des pin-up, des motifs que convoqua le pop art et que détourne la publicité.
Temps arrêté et en même temps suspendu entre hier, que ne connurent ni le photographe ni ce qu’il figure, et aujourd’hui, qu’il met à profit pour nous renvoyer vers un univers que nous ne savons voir, qu’il fait exister, qui est certainement un leurre, mais qui se donne comme une évidence tant il sait nous convaincre en évoquant des souvenirs, un sentiment apaisé du temps, une possible échappée dans le rêve qui adoucit le décor et nous ouvre un espace possible.
Le tout servi par de la matière, des matières, des sensualités couchées et inscrites dans la gélatine, la feuille, les couches successives travaillées par la lumière. »