Au sommet d’un châssis triangulaire autour duquel s’enroule une toile peinte est juchée une chaussure. Au centre d’un agencement constitué de fragments de châssis peints dont l’équilibre semble précaire, est suspendu un sac. Posé sur le châssis d’un tableau constitué de lanières de toile peinte, un tee-shirt.
Qu’est ce que l’on regarde? Où doit on regarder? Peut on parler d’image? Qu’est ce qui fait image? Comment se forme-t-elle? Ce questionnement est au fondement de la démarche de Franziska Jyrch.
Le châssis, la toile, la couleur, ces éléments constitutifs de la peinture ne font pas tableau dans son travail; ils ne font pas image à eux seuls. Ce n’est que dans la rencontre de l’objet ordinaire avec ces éléments traditionnels que peut surgir l’image. Le châssis et la toile n’interviennent pas en tant que support d’une image mais comme éléments structurants d’installations dans lesquelles ces objets dérisoires du quotidien, ces objets insignifiants, entrent en jeu.
L’économie plastique mise en jeu par Franziska Jyrch fait de ces installations des agencements fragiles qui se jouent de l’échelle dans leur modalité d’occupation de l’espace et dans leur rapport aux objets placés en posture insolite, sans mise en valeur particulière. Ils sont simplement là, identifiables mais cependant, leur présence dans ces installations génère une tension qui génère à son tour une image. “Les choses sont encore ce qu’elles sont mais simultanément deviennent autre chose” fait remarquer Franziska Jyrch.
En effet, dans ce moment de tension qui correspond au moment de la formation de l’image, ces objets ordinaires revêtent une autre dimension, une certaine étrangeté. On ne peut pas les regarder de la même façon. Ils s’entourent d’un certain mystère car ils se situent, ainsi que le souligne l’artiste “entre abstraction, représentation, image en devenir et simple chose banale”. Autrement dit, ils se retirent dans une autre dimension spatiale qui modifie la perception que nous avons de ces objets. Notre regard se concentre sur eux, les isole et c’est dans ce mouvement d’attention portée sur eux qu’ils font “image”.
L’ensemble des oeuvres révèle un langage personnel qui procède d’une démarche singulière consistant à utiliser des matériaux artistiques qui renvoient à la peinture mais non pour interroger ce médium par une démarche déconstructive. Bien que l’histoire de la peinture et celle de la représentation se confondent, Franziska Jyrch la détourne de cette fonction. Le châssis et la toile servent en quelque sorte à mettre en scène l’objet ordinaire de manière à ce que celui-ci devienne porteur d’une image. De ces assemblages fragiles, proches en cela de certaines oeuvres de l’arte povera, se dégage une certaine poésie qui empêche de considérer le travail de Franziska Jyrch comme relevant d’une démarche exclusivement conceptuelle.
Née en 1980, Franziska Jyrch, vit et travaille à Leipzig, en Allemagne. Ses dernières expositions personnelles ont eu lieu au Kunstraum Michael Barthel, Leipzig, en 2013, au Kunstraum Liška, Leipzig en 2012 ainsi qu’à la Galerie EIGEN+ART.