Six mois après sa nomination au prix Marcel Duchamp et son installation Vaincre le virus, Barthélémy Toguo présente un ensemble d’œuvres réalisé pendant l’été. Le titre de l’exposition, Strange Fruit, est bien sûr une évocation de la chanson rendue célèbre par Billie Holiday :
Southern trees bear strange fruit
Les arbres du sud portent un fruit étrange Blood on the leaves and blood on the root
Du sang sur leurs feuilles et du sang sur leurs racines Black bodies swinging in the southern breeze
Des corps noirs qui se balancent dans la brise du sud Strange fruit hanging from poplar trees
Un fruit étrange suspendu aux peupliers
Au long de la mélodie, les fruits étranges ("Strange Fruits") se révèlent être des pendus se balançant aux branches des arbres, corps de noirs lynchés dans les états ségrégationnistes du sud des Etats-Unis. À son tour, à l’orée du XXIeme siècle, Barthélémy Toguo déploie son univers riche et percutant, pour dénoncer la montée des violences racistes à travers le monde. Des corbeaux de bronze, perchés sur des branches desquelles pendront des dessins, et des chiens aux dents acérées attendront le visiteur. Au cœur de l’installation, un buste d’Ida B. Wells (1862-1931), sera là pour rappeler le rude combat contre la ségrégation et le lynchage mené par cette femme journaliste afro-américaine, méconnue en Europe, dont le livre Les horreurs du Sud n’a été traduit et édité à Genève qu’en 2016.