Pour sa nouvelle exposition, la Galerie Loft a choisi d’associer un mythe de la bande dessinée française et un petit prince de la peinture chinoise. L’un est né en 1944, l’autre en 1978.
35 ans et 10 000 kilomètres les séparent. Ils représentent non seulement deux générations mais aussi deux cultures, deux univers et deux talents singuliers…
Pourtant il y avait une forme d’évidence dans leur rencontre. Ces deux-là ont en commun une extraordinaire capacité à dépasser les cadres exigus de la réalité pour construire un monde poétique et envoutant.
Philippe Druillet le fait avec une force, une flamboyance et une révolte sans pareil.
De Lone Sloane à Xcalibur, de Pilote aux Humanoïdes Associés, du dessin à la 3D, de la feuille de papier aux décors de cinéma, il a su imposer son univers et ouvrir une voie nouvelle au « 9e art ». Son apport dans le renouveau de la composition et la redéfinition du découpage, dès les premières planches qu’il réalise à la fin des années 1960, ont profondément nourri et modifié le monde de la bande dessinée, mais aussi celui de l’illustration, du cinéma et des jeux vidéo.
Il est un auteur unique qui inspirera aussi bien Jean Giraud dans l’évolution de son alias Moebius et Georges Lucas dans la conception graphique de Star wars.
Artiste pionnier il est aujourd’hui un incontournable de notre univers visuel. Une figure mythique dont nous présentons aujourd’hui des œuvres plus intimes, dont certaines inédites, afin de percevoir le talent et la passion qu’il a su projeter dans des domaines de création les plus variés. Il y a évidemment son personnage fétiche de Lone Sloane, dont les planches originales du premier tome (Le Mystère des abîmes – 1966) s’exposent aux côtés de celles du dernier tome (Delirius – 2012) pour refléter les 50 ans d’évolution de sa pratique de la BD. Il y a aussi des projets de décors ou d’affiches de films, des pièces de mobilier, des tapisseries et des lithographies de ses plus grands succès (Yragaël, Salammbô…). Plus rares et particulièrement émouvantes sont les quelques toiles intimistes tout droit sorties de son atelier, dont une petite « Joconde » inédite réalisée quand l’artiste n’avait que 19 ans. C’est un véritable parcours rétrospectif au cœur de son œuvre et de sa vie auquel nous vous invitons aujourd’hui.
Mais Philippe Druillet n’est pas homme à s’enfermer dans le passé. Sa formidable envie de se confronter à de nouvelles réalités le pousse à toujours se réinventer grâce à de nouveaux projets. Cette exposition devient ainsi l’occasion d’inviter un jeune artiste à dialoguer avec lui, au travers d’œuvres originales et communes.
Qui serait alors à même de se confronter à un tel monument ? Si quelqu’un peut relever ce défi, c’est bien Li Chaoxiong.
Ce jeune peintre chinois, qui signe ses toiles sous son alias « Arx Lee », est un illustrateur de génie. Par ses œuvres il nous projette avec une infinie poésie dans des mondes perdus et des galaxies peuplées de mécaniques colorées et de pantins magiques.
Né en 1978, à l’époque où Druillet avait déjà fondé les Humanoïdes et publié de nombreux ouvrages, il obtient son diplôme à l’Académie des Beaux-Arts de Guangzhou en 2002. Sa passion pour l’illustration va cependant bien au delà de sa formation classique. Par ses dessins, ses peintures et ses réalisations 3D, c’est à la Bande dessinée qu’il dévore depuis son plus jeune âge, qu’il veut rendre hommage.
Les trois grandes phases de son travail sont marquées par trois héros lunaires, Bilibi, Buda ou Bumi, personnages de fiction qui symbolisent ses sentiments et l’évolution de sa personnalité.
Les œuvres présentées dans cette exposition se concentrent plus particulièrement sur Bumi (qui signifie « la terre » en sanscrit), dernier né de l’univers de Li Chaoxiong. Ce petit astronaute rêveur, explore, sans relâche et avec bienveillance, le monde des rêves et du cœur. Voyageur des grandes immensités, il plonge alors avec douceur dans les profondeurs de terres inconnues et se risque même à parcourir des terres peuplées par les créatures de Druillet.
La poésie et la détresse rapprochent les deux artistes, tout comme leur générosité picturale et leur maitrise du détail. Comme le dit souvent Li Chaoxiong « J’ai toujours rêvé d’être un héros de bande dessinée ». Druillet ne le contredirait pas. Leurs héros solitaires, perdus au cœur de mondes post-apocalyptiques ou de dimensions rêvées, sont comme eux… Des héros qui, nourris par leur propres expériences, expriment un regard nostalgique et aiguisé sur notre monde.
Des héros avec lesquels on aime voyager, rêver ou vivre de formidables aventures.
Face aux œuvres de ces deux artistes qui laissent s’échapper sur la toile leur incroyable imaginaire nous voilà projetés dans les plus beaux des mondes… tout simplement… fantastiques.