L’exposition Corps et Ames : un regard prospectif s’ouvre avec la grande toile de l’espagnol Fermín Aguayo, Trois nus pour un espace, dont le visiteur perçoit la densité de présence et d’absence à la fois, comme si ces corps allaient et venaient en traversant le miroir à l’infini, reflétant ainsi, à l’image de Léonard de Vinci, le travail de l’esprit qui nous anime. Face à l’entrée, la géorgienne Vera Pagava, exposée précocement par Jeanne Bucher, avec La nuit claire ou Vision, dont les contours semblent se fondre dans l’espace qui l’entoure. L’œuvre en suspension de l’américain Paul Wallach, foretold, évoque la matrice du ventre maternel dont les reflets de pigments jaunes donnent l’entière dimension symbolique. L’impalpable de l’Etre (Being), de Louis le Brocquy, fait partie de la série qu’il a réalisée à la suite de l’éblouissement provoqué en Espagne par la saisie d’un groupe de femmes adossées contre un mur à la chaux. Le nombril semble être la porte d’entrée à la traversée du mur sous la danse éternelle du souffle qui anime tout être dans la sculpture de Susumu Shingu.
La Révélation de Manessier rayonne d’une ardeur mystique tandis que le Carrousel d’Arpad Szenes révèle une madone à l’immanente présence, tournoyant sur son cheval. La salle suivante convoque le corps illuminé, incarné dans la Cathédrale de Bissière, corps transfiguré entre terre et ciel dans la Mythologie de l’Etre chez André Masson, corps miroir de l’âme dans L’Oeil cosmologique de Hans Reichel. Corps Menhir dans l’hommage rendu par Fabienne Verdier au Chanoine van der Paele de van Eyck, corps hurlant d’Asger Jorn dans son Projet d’un hurlement, corps taillé par l’humilité dans le Mendiant en bronze de Miguel Branco, moine fait de Matière-Lumière par Evi Keller. Corps questionné par les os d’Allah, Jesus, Buddha and your bones de Yang Jiechang qui interpelle sur l’origine de l’énergie vitale, énergie dansante dans le Voyage des saints de Mark Tobey, effluves de pigments, danse des particules, souffles universels et ancestraux chez Michael Biberstein. Derrière les piliers, l’Inventaire du corps de Jean-Paul Philippe. Inventaire clinique d’ossements, à la fois cercueil et fenêtre du corps et son crâne, suggérant la survie de l’Esprit à la disparition du corps. Lui faisant face, Le Refuge de l’être de Fred Deux, dessiné dans toute sa minutie, à la fois escargot et pyramide, et la colonne vertébrale animée de l’ange de Rui Freire.
Le Petit théâtre de verdure de Vieira da Silva où l’image d’une fée qui semble se confondre à la Nature environnante contraste avec la densité du Nu couché féminin de Nicolas de Staël et le visage éclaté de Jean Dubuffet dans toute l’Expansion de l’être, de son ultime série des Non-Lieux. Exploration du corps en tant qu’espace de mémoire et de transformation chez Antony Gormley, célebration du corps réceptacle d’une Nature jaillissante, libre et fertile pour La Madonne de Rui Moreira.
Sur la mezzanine, ouverte sur invitation, un hommage est rendu à la danseuse Muriel Jaër à travers le regard de trois photographes qui l’ont suivie depuis les années 70. Tandis que Max-Yves Brandily fait du corps en mouvement de la danseuse un dessin dans l’espace, mains et corps sont empreints d’une lumière originelle dans les photographies luminescentes d’Etienne Bertrand-Weill. C’est une danse purificatrice que convoque Bernard Boisson, à travers un corps devenu flamme.
Muriel Jaër également sous le regard du peintre Fermin Aguayo en 1969, La Danseuse, accompagnée des Néréïdes et Naïades d’André Bauchant qui, contrairement aux sirènes, aident les marins à retrouver leur chemin, et de la Figure qui marche d’Alberto Giacometti, fondatrice dans l’évolution de sa quête créatrice depuis les années 20.
Nous ressentons une « présence » comme une incarnation tant spirituelle que physique d’une énergie qui nous parle. Nous sommes à l’écoute de ce message, au puissant pouvoir de transcendance, sans cesser pour autant de considérer les qualités plastiques du corps dont elle émane.