La Galerie Karsten Greve Paris a l’honneur de présenter l’exposition Un certain nombre d’oeuvres, rétrospective de l’oeuvre de Pierrette Bloch, icône de l’art abstrait français.
L’exposition rend hommage à une artiste qui s’est distinguée depuis les années 50 par la subtilité et l’élégance de sa recherche plastique. En partant des collages des années 70, tout en passant par les célèbres encres sur papier - dont la version linéaire fait écho aux fameuses Lignes en crin de cheval - pour arriver aux dessins sur isorel, cette exposition dévoile l’ampleur d’une démarche artistique inextinguible.
Profondément ancrée dans la pratique du dessin et témoignant d’une sensibilité graphique, l’oeuvre de Pierrette Bloch, née à Paris en 1928, repose sur la réitération d’un geste créateur jamais égal à lui-même, un geste libre qui cherche toujours l’imprévu et l’accident. La tridimensionnalité des Lignes en crin de cheval acquiert un fort aspect graphique, oscillant entre la sculpture et le dessin : les noeuds de crins réalisés à la main sont à la fois accumulations de matière et ponctuations du dessin transposées sur le mur par leur ombre. Ces amoncellements de crins se révèlent aux yeux du spectateur comme des pauses sur le déroulement du fil, celui-ci se déployant sur la blancheur du mur comme un haïku japonais sur la page d’un livre.
Une horizontalité rarement trahie associée à des matériaux simples comme l’encre, la craie grasse et le pastel, composent une partition picturale faite de silences et d’élans, de pauses et de reprises, de sursauts et de zones de méditation. Dans les oeuvres à l’encre de Chine sur papier - que Pierrette Bloch commence à réaliser systématiquement depuis 1971 - les traces laissées par l’encre et la surface du support encore visible ont la même valeur plastique : c’est la relation du noir et du blanc, comme du plein et du vide, qui construit l’unité. Les formes créées par des gestes qui, malgré leur répétition, ne produisent jamais le même résultat, se déploient dans une combinaison de multiples sans fin, en remettant en cause l’idée du temps et de l’espace. L’oeuvre qui en résulte reste suspendue dans une sorte d’attente, une phrase renvoyée.
Le noir étant la couleur dominante des compositions, il marque le support et vibre avec sa gamme de nuances illimitées, il est disponible aux résultats du hasard - une goutte d’eau de plus ou de moins, une hésitation du geste, une pression plus forte de la main. L’immense liberté qui se dégage des oeuvres de Pierrette Bloch réside dans rythme des formes, dans les mutations de tonalité - bien que fruit d’une palette très limitée - et des variations du signe graphique ; ce dernier se fait presque agressif quand il s’agit d’affecter la surface brute du panneau d’isorel, que ce soit avec un pinceau imbibé d’encre ou avec de la craie grasse.
Dans ses travaux plus récents Pierrette Bloch retrouve aussi les plaisirs du blanc, en créant des oeuvres à l’encre blanche sur papier calque qui jouent avec la fluctuation des nuances de cette (non)couleur souvent associée au vide. Mais dans son oeuvre, le vide n’est jamais tel : il a toujours son propre poids dans la composition, sa présence est presque physique. Le blanc a également pris la place du noir comme couleur de l’action, dans un jeu de rôles avec le passé : la surface du papier se fait noire et les signes de pastel, de craie ou d’encre blancs se déploient délicats comme les traces des pas d’un oiseau. La main de Pierrette Bloch s’est faite plus légère : le dessin devient essentiel mais ne perd jamais sa vitalité, au contraire les oeuvres de 2015 et 2016 en blanc sur papier noir proposent une vibration encore nouvelle.
Née en 1928 à Paris, Pierrette Bloch vit et travaille à Paris et Bages (Aude, France). Elle étudie avec André Lhote et Henri Goetz de 1947 à 1948. Elle expose pour la première fois à la Galerie Mai à Paris en 1951. En 2005 elle est lauréate du prix Maratier attribué par la Fondation Pro-MAHJ. Les oeuvres de Pierrette Bloch sont présentes dans les plus importantes collections publiques internationales parmi lesquelles le MoMA à New York, le Yokohama Museum of Art au Japon, le Stedelijk Museum d’Amsterdam, le MAMCO de Genève ou encore l’Eilat Museum en Israël. Elles font aussi partie de nombreuses collections françaises dont la Fondation Louis Vuitton pour la Création, le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, le Centre Pompidou, le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. En 2014 le Museum Pfalzgalerie Kaiserslautern lui dédie l’exposition monographique Pierrette Bloch – Punkt, Linie, Poesie, et le Musée Jenisch Vevey en Suisse lui rend hommage avec une première rétrospective, Pierrette Bloch : L’intervalle.