Galleria Continua a le plaisir de présenter pour la première fois dans ses espaces des Moulins une exposition personnelle de l’artiste chinoise Kan Xuan. Intitulée Light, l’exposition propose une sélection d’œuvres vidéo réalisées entre 1999 et 2009, où sont filmés – sans prétention mais avec pertinence et exactitude en jouant sur les sens – des éléments familiers, triviaux, dévoilant avec légèreté un regard sur le quotidien des sentiments, des sensations que nous vivons sans parfois les remarquer.
Le travail de Kan Xuan éclôt sur la scène chinoise en 1999, alors qu’elle s’est installée à Pékin depuis un an. Elle réalise cette année la vidéo Kan Xuan! Ai!, dans laquelle elle se met en scène fendant la foule dans des couloirs de métro bondés, criant son propre nom et se répondant à elle-même. Semblant comme à sa propre recherche, luttant contre une marée humaine aux contours indistincts, l’artiste se fait l’héroïne d’un jeu existentialiste teinté de politique.
C’est dans un dispositif a première vue plus guilleret que l’on retrouve un regard sur l’identité, cette fois-ci orienté sur le corps. Dans Looking, looking, looking for… (2002), on suit le cheminement d’une araignée marchant sur deux corps nus, ceux d’un homme et d’une femme.
L’étrange comptine psalmodiée ici semble s’amuser du double sentiment que les images suscitent, entre aversion et curiosité, crainte et lasciveté devant les détails de ces corps parcourus par cette créature qui en vérité ne cherche rien d’autre qu’un abri où se cacher. Le dévoilement et la représentation de corps nus, leur exploration peut également se voir comme la condamnation du secret et de l’hypocrisie, dont le poids marque la société chinoise et son gouvernement autoritaire. La candeur de la petite voix chantonnant aux côtés de l’araignée fait alors écho aux deux vidéos A happy girl et In the spring réalisées en 2002, peu après l’arrivée de l’artiste en Europe, à Amsterdam.
Kan Xuan apparaît nue dans des décors verdoyants, dansant et exprimant très simplement de la joie : celle d’une libération, d’une excitation de pouvoir voyager et découvrir de nouveaux horizons – non sans dévoiler le caractère enjoué de l’artiste. Si Kan Xuan sait grâce à sa générosité et son humour donner un tour quelque peu espiègle à ses travaux, une forme d’inquiétude face au futur de la société 2/ contemporaine transparaît de certaines pièces. Ainsi, la présence immuable des uniformes policiers sur lesquels la caméra tombe à chaque mouvement dans One by one (2004). Plus loin, exposées l’une à côté de l’autre, les vidéos A Persimmon et Garbage, toutes deux réalisées en 1999, sont formellement proches. Dans la première, un fruit mûr apparaît dans les mains de l’artiste qui, à force de le manipuler, le transforment peu à peu en pulpe juteuse, titillant notre appétit tout en éveillant une certaine cruauté. Garbage montre les mains de l’artiste manipulant des détritus. Emballages, pelures de fruits moisies et autres papiers gras forment ici un inventaire du résidu, formulant la préoccupation de l’artiste face à l’état du monde, en particulier sur l’impact économique de la mondialisation. C’est également à cela que répond l’installation Island (2006-2009), formée par quatre moniteurs posés sur des blocs trouvés aux environs immédiats de l’usine de Sainte-Marie et diffusant les images d’objets usuels, colorés, pour certains très superflus et pour d’autres très utiles, tous accompagnés de pièces de monnaie négligemment posées à côté, comme un appel à s’interroger sur la valeur des choses. On comprend alors le choix de l’artiste pour le titre de l’exposition, qui repose sur un double sens, entre lumière et légèreté, ouverture et simplicité. Née en Chine, dans la province d’Anhui, en 1972, Kan Xuan a étudié de 1993 à 1997 à l’Académie des arts de Chine à Hangzhou, où elle a pu suivre l’évolution de l’art vidéo à ses tout débuts en Chine.
Même si elle réalise également des photographies, installations et performances, elle travaille principalement dans le domaine de la vidéo et est aujourd’hui considérée comme l’une des artistes vidéo les plus importantes de Chine. Elle a participé à un programme de résidence d’artistes de 2002 à 2003 à Rijksakademie van Beeldende Kunsten à Amsterdam, où elle vit depuis en plus de la Chine, puis à un autre programme de résidence au Yorkshire ArtSpace Society à Sheffield (Grande-Bretagne) de 2007 à 2008. Parmi ses expositions personnelles, on notera Kan Xuan (IKON Gallery, Birmingham, Grande-Bretagne, 2016), Millet Mounds (Ullens Center for Contemporary Art, Pékin, Chine, 2012), Kanxuan! Ai! (Galleria Continua, San Gimignano, Italie, 2008). Elle a également participé à plusieurs expositions collectives, dont Face to Time (Real Jardín Botánico, Madrid, Espagne, 2011), 8e biennale de Gwanju (République de Corée, 2010), China Power Station (Pinacoteca Agnelli, Turin, Italie), The State of Things (BOZAR, Bruxelles, Belgique, 2010) ou encore Everyday Miracles (Extended) (SF Art Institute, San Francisco, ÉtatsUnis, 2009). Kan Xuan a par ailleurs été lauréate des prix du Ministère néerlandais de l’éducation, de la culture et des sciences (2002), du Ministère néerlandais des affaires étrangères (2003) et le « De Prix de Rome » en 2005.