Octave-Claude Monet naît le 14 novembre 1840 à Paris. Il passe cependant son enfance au Havre où il s’exerce au dessin sous la tutelle d’Eugène Boudin et s’avère déjà particulièrement doué. Il fait son retour à Paris en 1859 pour entreprendre une carrière d’artiste. Mais il est envoyé en Algérie et intègre le 1er régiment de chasseurs d’Afrique. Il y passe deux ans et réussi à être exempté des quelques cinq années de plus grâce à sa tante.
C’est donc en 1862 que tout prend un nouveau tournant, lorsqu’il s’inscrit à l’atelier de Charles Gleyre. Même s’il n’éprouve pas beaucoup de sympathie pour son professeur, les leçons qu’il reçoit ne sont pas inutiles du point de vue de la technique. Gleyre s’en tenait certes à un enseignement académique mais il laissait malgré tout une certaine liberté à ses élèves et ne les empêchait pas de se passionner pour le paysage. Mais cet atelier lui apporte bien davantage, car c’est ici même que le destin l’unit à des alliés de taille.
En effet, c’est là qu’il rencontre Pierre-Auguste Renoir, Alfred Sisley et Frédéric Bazille joyeuse troupe de jeunes artistes en rupture avec l’art statique et trop figuratif que représente l’académisme en vigueur. Influencés par Courbet, et Manet, la troupe prend l’habitude de se réunir et de nouveaux visages apparaissent comme celui de Pissaro (que Monet avait rencontré quelque peu avant) ou de Cézanne. Se joignent aussi à eux d’autres hommes tels qu’Émile Zola, Verlaine, Edmond Maître, Degas, Henri Fantin-Latour… et on les surnomme alors le groupe des Batignolles en raison de leur fréquentation du café Guerbois, avenue de Clichy. Mais Monet poussé par son amour de la nature et de la vie invite ses plus fidèles compagnons à peindre en plein-air avec lui. Et c’est à ce moment que se forme le noyau dur de ceux que l’on connaît sous le nom d’impressionnistes. Ces années seront belles mais maigres pour Monet qui pourtant affectionne particulièrement le faste. Il faut rappeler qu’il était réputé pour son apparence soignée et son élégance à la façon d’un « dandy » comme il était surnommé par d’autres élèves de l’atelier. Son mariage avec Camille après la naissance de leur fils n’arrange rien car sa famille lui coupe les vivres. Et le succès tarde à venir.
Aussi celui-ci trouve à se gaver autrement en devenant un boulimique de paysages. Il voyage en France comme en Angleterre, en Espagne, en Italie. Ses toiles sont de plus en plus délicieuses, des détails pris dans les panoramas qui s’offrent à ses yeux deviennent des spécialités qu’il décline en série selon la lumière. Son appétit vorace trouve son contentement dans la saturation visuelle. Il sollicite sa vue jusqu’à être rassasié. Et compose ses toiles comme on chercherait à tâtons à reproduire un met tant aimé.
Heureusement sa rencontre avec Alice Hoschedé est de meilleur augure et la maturité lui apporte la reconnaissance. Il s’installe enfin à Giverny avec Alice et tous ses enfants, et s’éprend à loisir de tout ce qui l’entoure. Il peut enfin prendre plaisir à se faire plaisir, et partager cela avec les gens qu’il aime. C’est ce que nous indique le recueil de recettes tenu par le couple. Et l’on sent tout l’art de la composition et de la justesse autant dans ses toiles que dans ses plats. Sa peinture riche en couleurs et vive est à l’image de sa cuisine riche en goût. Pour preuve cette délicieuse recette d’aubergines farcies :
« Partagez des aubergines dans le sens de la longueur.
Pratiquez quelques incisions dans la peau et saupoudrez-les de gros sel.
Laissez dégorger pendant 1 h environ.
Farinez-les et faites-les frire dans de l’huile d’olive bouillante,
jusqu’à ce qu’elles soient cuites mais pas écrasées.
Egouttez-les et videz-les sans abîmer la peau.
Hachez 1 ou 2 échalotes, de l’ail (selon le goût),
et faites rissoler dans de l’huile après avoir salé et poivre.
Ajoutez ensuite de la purée de tomates et la chair des aubergines hachée grossièrement.
Farcissez les peaux d’aubergines. Saupoudrez de chapelure, arrosez d’huile d’olive et faites gratiner.
Servez avec un coulis clair de tomates. »
Ainsi, la distinction de peintre « impressionniste » a fait sens pour Claude Monet plus que pour aucun autre de ses camarades. Dans l’assiette comme sur la palette tout chez Monet était histoire d’impression : l’eau, le feu, le vent, bouilli, à la cocotte, ou à la vapeur, il fallait saisir la nature et exalter ses saveurs. Malgré tout ce que les critiques ont pu écrire sur son œuvre, Monet est resté impressionniste jusqu’à la fin de sa vie. Aussi longue qu’elle fut. Il l’a été par conviction profonde, et parce que l’impression chez lui était aussi matière à être valorisée et ressentie avec intensité.
Pour aller au-delà de l’impressionnisme de Monet, profitez de l’exposition exceptionnelle qui lui est consacrée au Danemark, intitulée « Ud af impressionnisme » (Sortir de l’impressionisme) au musée Ordrupgaard actuellement en cours jusqu’au 4 décembre 2016.