Le travail du designer néerlandais Sebastian Brajkovic transcende les formes et les époques. Une approche singulière et sculpturale, traversée par la distorsion de l’espace et du temps. Pour ‘Vanishing Point’, sa première exposition personnelle à l’adresse parisienne de Carpenters Workshop Gallery, Sebastian Brajkovic s’intéresse à la linéarité temporelle. Ses nouvelles pièces évoquent les principes de croissance et de points de fuites.
‘Vanishing Point’ marque une étape importante dans le processus de création du designer, remarqué en 2007, dès sa sortie de l’académie d’Eindhoven, par Julien Lombrail et Loïc Le Gaillard. Il présente à la fin de ses études le projet ‘Lathe’, originellement réalisé en bois, à la jonction de l’art et du design. Carpenters Workshop Gallery offre à Sebastian Brajkovic les moyens de réaliser son oeuvre en bronze. Cette technique de moulage, traditionnellement utilisée pour la sculpture, confirme également la volonté de l’artiste de jouer avec la frontière entre l’art et le design : « Finalement j’aime l’équilibre entre le design industriel et l’art. Ces domaines relèvent de la création, je travaille sur la forme et la fonction.»
Sebastian Brajkovic cherche à donner du sens aux objets qu’il dessine sur ses carnets de recherche. Il explore la matière et le volume pour en définir le vocabulaire. Dans la série ‘Lathe’, il prend comme point de départ une chaise 18ème siècle de style néo-classique qu’il compose et recompose, pour mieux en réinventer les typologies d’assises. Il repense, comme au 19ème siècle, le face à face, le confident, le banc et la méridienne, laissant comme une trace ineffaçable la moulure, la forme et le grain du bois, affleurer à la surface du bronze patiné. La référence à cette période de l’histoire du mobilier est un éloge au savoir-faire de l’artisan. Il détourne le traditionnel motif de tapisserie figuratif pour mieux se jouer de la perception visuelle. Comme sur une page d’écriture, en pensées déstructurées, il utilise le programme numérique pour raconter sa fascination pour le monde dans lequel nous vivons. Un monde marqué par la connexion, la vitesse et le partage. Il rend ainsi hommage à la pensée et au dessin des futuristes qui traduisaient leur enthousiasme face au progrès de la machine et de la vitesse : « Je crois en une vision transcendantale. J’essaie de restituer la vie, de donner l’illusion d’un mouvement, alors que c’est impossible. Ce que j’aime, c’est exprimer le développement, l’espoir. Ma vision aborde la problématique de la non-finitude. »
‘Vanishing Point’ présente plusieurs pièces dont ‘Fibonacci’ qui révèle une théorie de la croissance établie par un mathématicien italien de la fin du 12ème siècle. Le dessin organique de l’assise est rehaussé du remarquable travail de broderie des artisans de la maison Lesage. Un banc, constitué de cinq chaises, se déploie comme une foule ou un troupeau en mouvement, avec huit pieds et une peau brodée. Une évocation animale, des écailles dont le motif géométrique rappelle la marqueterie de l’ébéniste Oeben (18ème siècle), qui disparaissent progressivement selon le processus de morphing. Un siège de conversation amoureuse, assise souriante et animée d’un mouvement sensuel, à l’instar de Carlo Mollino, complète la collection. ‘Vanishing Point’ donne corps au savoir-faire de l’artisan, au nouvel artisanat numérique et à la sculpture en bronze. L’exposition invite à une vision incarnée, non figée. Un idéal représentant la vie. Le processus créatif de Sebastian Brajkovic est un « work in progress », un jeu permanent, de l’objet pratique vers l’oeuvre d’art : « Mes objets sont des sculptures, tout en étant des formes fonctionnelles. En peinture je suis attiré par l’effet de flou, de torsion, comme chez Francis Bacon, qui fait et défait le sujet. En ce moment, j’ai le désir de réaliser des objets achevés, qui révèlent leur complexité. Une tentative d’exprimer la perfection. »