Cartographie et topographie sont depuis plusieurs années, au centre des préoccupations artistiques de David Renaud. C’est par une représentation à la fois matérielle et abstraite d’un lieu qu’il questionne notre perception de la géographie, notre manière de lire un paysage. Point de départ de cette nouvelle exposition personnelle de l’artiste à la galerie anne barrault, c’est même plus précisément dans le domaine de la carte maritime qu’il nous plonge : la mer comme espace de liberté pour l’artiste et le spectateur.
L’oeuvre intitulée Point Nemo nous offre un premier ancrage dans ce projet. Le Point Nemo ou pôle maritime d’inaccessibilité est le point le plus éloigné en longitude et latitude de la terre, représenté par une « double carte » que propose l’artiste : une carte conventionnelle juxtaposée à une seconde, réduite à ses seules coordonnées. Si ce travail partage son titre avec celui de l’exposition c’est qu’il se propose comme l’une des clefs de lecture possible.
Nous retrouvons cette idée d’une carte « a minima » dans la série des marteloires. Elle est composée de grands formats réunissant deux systèmes de cartes issues de deux époques différentes. Il y a d’une part, les grands aplats de bleu peints qui se référent au bleu des cartes qui nous sont contemporaines, et d’autre part le dessin qui est celui d’un marteloire, ou rose des vents, issu du système de navigation de la Renaissance. Les éléments de la carte ainsi réduits sont juste suffisants pour la reconnaître comme telle. Au-delà de la simple fonction cartographique, le bleu qui vient signifier la mer, est aussi une couleur, une vibration. Plus que jamais ici, l’artiste conquiert une dimension sensible.
Dans le second ensemble, les cartes sont aussi présentes comme des vibrations colorées. Sur fond gris sont indiqués les coordonnées géographiques d’îles. Chaque carte ne trouve son sens que dans le nom de l’île : « désespoir », « désolation », « l’inexpressible », etc. Un rapport étrange s’établit entre les coordonnées, qui rendent difficile la possibilité de se projeter dans une réalité sensible et ces noms si riches de signification. Couleur et noms ouvrent par la carte la voie à l’imagination du spectateur. Jean-Yves Jouannais s’exprime dans ce sens lorsqu’il parle du travail de David Renaud : « Le viol et le contrôle cartographique des espaces a pour effet secondaire de créer une infinité de voies de défloraison, de pénétration pour l’imaginaire. ». La dernière série présentée s’intitule Paysage USA 2010, elle reprend les motifs des tenues de camouflage de la Navy. Comme l’artiste, on peut réellement s’interroger sur l’usage militaire et fonctionnel de ce camouflage, sensé dissimuler et porté par des marins un navire. Ce camouflage particulier, un « digi-camouflage » utilisant un pattern de pixels, se trouve biaisé à son tour, par la peinture. Il devient une « sorte de carte » ouvrant au spectateur la possibilité d’un tout autre univers : « L’endroit parfait pour un Snark ! ».