Praz-Delavallade Paris présente “Espaces Témoins”, exposition imaginée autour d’ artistes exerçant tant en France qu’à l’étranger : Vincent Chenut (Paris-Bruxelles), Thomas Fougeirol (Paris-New York), Alice Guittard (Paris-Istanbul), Lucas Jardin (Bruxelles) et Manoela Medeiros (Paris-Rio de Janeiro). Chacun à leur manière, ils se sont libérés du support classique afin d’expérimenter la matière, non seulement comme une substance déterminée mais comme un support, un médium aux multiples facettes.
Comment ces artistes expérimentent-ils la matière afin de mieux la redéfinir ? Long travail de gestation par addition et superposition, excavation ou encore soustraction, manifeste d’une création au coeur même de leurs pratiques : la toile, le papier, le fragment de mur, le marbre et le panneau sont autant de moyens qu’ils investissent pour en révéler les plus intimes richesses.
À travers leurs démarches, ils explorent le monde organique, expérimentent le minéral et transcendent la matérialité des objets du quotidien, permettant ainsi de repenser le rapport de l’artiste à l’oeuvre et à la matière. Dans un mouvement paradoxal de création et de destruction, ces artistes s’inscrivent alors dans une esthétique des ruines. Ce qui nous frappe, c’est la liberté d’utilisation de tous ces matériaux. La façon dont ils déploient leurs corps, commencent leur journée ; une routine qui laisse place à l’inattendu, à la surprise : croquis, grattage, fouille, extraction, collecte...
À chacun d’ exprimer une sensibilité qui façonne leur art en donnant vie à cette matière, substratum d’un moi intime traduisant un langage visuel individualisé par les incidents, dégradations, accidents qu’ils affrontent dans leur pratique quotidienne. Si certains s’imposent des règles strictes pour se libérer des contraintes, d’autres grattent la matière à la manière d’archéologues pour ne laisser vivre que les sensations fugitives des fibres végétales. Tous s’interrogent sur ces déplacements d’espaces pour mieux capturer une matière dans l’espoir de l’apprivoiser, de la révéler et in fine de la domestiquer. Une pratique basée sur l’expérimentation qui traduit la recherche obsessionnelle d’une quête existentielle, faisant leur la pensée de Jean-Paul Sartre : “La seule chose qui permet à l’homme de vivre, c’est l’acte”.
S’affranchissant de la représentation, ils s’attachent à étendre notre compréhension du Monde des "choses du sensible”. Oscillant entre déconstruction et création, on ne peut nier le tropisme de ces cinq artistes pour les stigmates, empreintes et autres décombres. Les oeuvres présentées au sein de l’exposition "Espaces Témoins" questionnent le temps (disparu), interrogent nos souvenirs et relient le passé au présent comme un devoir de mémoire pour titiller notre imagination. Ce dialogue avec le passé nous rappelle que nous sommes des êtres soumis au temps qui passe. Un concept incontournable, omniprésent auquel nous ne saurions échapper.
Si le temps et la matière sont deux éléments résolument antagonistes, c’est pourtant lorsqu’ils sont associés que le fondement du monde s’exprime dans toutes ses contradictions et dans une lutte opposés menant à une rupture où l’un l’emporte finalement. Dialectiquement rien d’étonnant que ce fondement vienne d’un domaine où deux contraires sont face à face et se combattent sans cesse : charge positive et négative. En cela les créations de ces jeunes artistes incarnent la parfaite adéquation de leur art à leur temps.